cinéma

Pingpong de Matthias Luthardt

[4.0]

 

 

Une belle maison enfouie dans la nature, un couple Stefan et Anna, leur fils Robert un adolescent assidu devant son piano répétant un morceau pour sa prochaine audition, un chien appelé Schumann, révélant le goût prononcé de cette famille bourgeoise pour l’art et la musique classique : quel beau tableau, quel bel équilibre que l’arrivée inattendue d’un tiers va sérieusement et durablement ébranler.

C’est le jeune Paul, fils de la sœur de Stefan, traumatisé par le suicide récent de son père, qui débarque à l’improviste chez son oncle, histoire de distraire quelque temps son ennui et son chagrin en intégrant le cercle harmonieux et protecteur de la famille de Stefan. Celui-ci appelé à Madrid pour ses affaires, la jolie Anna se retrouve seule avec Robert et Paul. Alors que le jeune pianiste noie sa peur de l’échec et fuit l’autorité maternelle dans l’alcool clandestin, Paul décide de rénover la piscine désaffectée, lui attirant les bonnes grâces de sa tante, de moins en moins réticente à sa présence.

 

Le déroulement jusqu’au drame final – mineur, mais symbolique – est assez prévisible mais cette prévisibilité, qui connaît parfois des démentis, n’est absolument pas un obstacle. La grande force de ce premier film, qui plus est film de fin d’études tourné en vingt-trois jours, réside en sa maîtrise parfaite, sa tension palpable et croissante qui transforment un séjour à priori anodin en un jeu de massacre assaisonné au vitriol. Matthias Luthardt dissèque avec une précision d’entomologiste ce microcosme apparemment soudé et donc séduisant que l’innocent et charnel Paul fait voler en éclats, sans prémonition avérée. Le désir de vengeance naît des événements intervenus chez son oncle, et non d’une quelconque jalousie motivée par la différence de classe sociale ou d’un ressentiment consécutif au suicide de son père. Le jeune homme semble d’ailleurs courageux et solide, en dépit des questions perfides de Robert, à la curiosité malsaine et insistante.

Alors qu’il est en droit d’être le plus déséquilibré, Paul par comparaison apparaît bien le moins névrosé. La belle et manipulatrice Anna voue un amour sans bornes et pour le moins pervers à son chien qui bénéficie d’un traitement plus chaleureux que celui réservé à Robert, dont les regards en coin et les soudains accès de colère traduisent le mal-être et la haine pas encore complètement révélée ni assumée qu’il voue à sa mère.

 

On ne s’échappe de la maison que pour des balades en forêt, une nuit de camping pour les deux cousins près d’un lac paisible à l’eau pourtant dangereusement contaminée, plaçant même les éléments naturels dans un état d’apparence trompeuse et de réalité dangereuse.

Pingpong vient confirmer le renouveau éclatant du jeune cinéma allemand pour lequel les dysfonctionnements de la cellule familiale constituent une inépuisable inspiration – c’était déjà le terrain investi par Requiem il y a quelques semaines. Dégagé de toute référence, libre de toute paternité, Pingpong est un premier film prometteur.

 

Patrick Braganti

 

Drame allemand – 1 h 29 – Sortie le 24 Janvier 2007

Avec Sebastian Urzendowsky, Marion Mitterhammer, Clemens Berg

 

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www.pingpong-film.de