cinéma

Plaisirs inconnus de Jia Zhang Ké      

 

 

    Depuis plusieurs années, le renouveau du cinéma se fait essentiellement par l’arrivée de plus en plus fréquente de films asiatiques : japonais, chinois, coréens et taiwanais entre autres, nous présentant une autre culture, souvent diamétralement opposée à celle exposée dans les films occidentaux : américains et européens.

Grâce à cette ouverture aux mondes du soleil levant, nous avons découvert, puis aimé des réalisateurs comme Hou Hsiao Hsien, Tsai Ming-liang, Edward Yang et Wong Kar-Wai.

 

    Plaisirs inconnus est le troisième film de Jia Zhang Ké, jeune réalisateur chinois qui s’est tourné vers le cinéma après des cours de peinture et l’écriture d’un livre. Son premier opus Xiao Wu artisan pickpocket sorti en 1997, racontant la fin d’une grande amitié entre deux garçons aux trajectoires divergentes, avait été largement salué par la critique. Vint ensuite en 2000 Platform sur la vie et les histoires d’une troupe théâtrale, brinquebalée dans les soubresauts de la vie politique incertaine.

Avec Plaisirs inconnus, Jia Zhang Ké centre son intrigue sur trois personnes : deux garçons et une fille. A Datong, ville industrielle et particulièrement triste, les deux amis traînent leur ennui dans les rues, où ils rencontrent Qiao Qiao, jeune chanteuse locale. Le film narre leurs relations entre eux, mais aussi avec leur famille.

 

    Tous les acteurs sont pour la plupart des non-professionnels, ce qui donne beaucoup de fraîcheur et de spontanéité à ce film. A des milliers de kilomètres d’ici, malgré des modes de vie différents des nôtres – notamment, la promiscuité dans les petits appartements et des multitudes de gens dans les rues -, on ne peut pas ne pas ressentir une véritable empathie pour ces trois personnages, dont le désœuvrement, la mollesse, les velléités doublées d’une inclinaison pour l’argent facile – braquage d’une banque – ne sont pas sans rappeler les caractéristiques d’une frange de la jeunesse occidentale. Il est d’ailleurs assez affolant de constater avec quelle rapidité la Chine, à peine remise de sa révolution culturelle, succombe aux chimères du monde capitaliste. A cet égard, Jia Zhang Ké inscrit son film dans un contexte très actuel, avec l’annonce du choix de Pékin comme ville organisatrice des Jeux Olympiques de 2008.

 

    Tourné en caméra numérique, pour des raisons tant esthétiques qu’économiques, Plaisirs inconnus n’a pas reçu, comme les deux films précédents, l’autorisation des instances officielles et, en conséquence, ne bénéficie pas d’une distribution dans les circuits institutionnels, prouvant que toutes les formes de censure ne sont pas encore levées en Chine.

 

    Autour d’une trame certes fine, mais resserrée, Jia Zhang Ké dresse un état sans concessions de la Chine contemporaine, tiraillée entre sa culture et son évolution galopante, qui produit à son tour une jeunesse paumée, sans repères en proie à un certain spleen et mal de vivre.

 

Patrick