cinéma

Quand tu descendras du ciel  de Eric Guirado  1/2          

 

    Né en 1968, après être passé par le journalisme, Eric Guirado s’est ensuite dirigé vers le cinéma et la réalisation de courts métrages, parcours souvent obligé pour les nouveaux venus dans le cinéma. Son court Un petit air de fête obtient en 2001 le César du meilleur court métrage, et lui met le pied à l’étrier pour monter un projet de long.

     Chose faite donc en 2002 avec le tournage de Quand tu descendras du ciel, œuvre tournée vers le social et l’actualité, centrée autour de l’histoire de Jérôme, jeune agriculteur en situation matérielle difficile, décidé à trouver de l’argent pour rembourser ses emprunts en émigrant à la ville pour y trouver un emploi. Il y intègre un service municipal, d’abord chargé d’assurer la décoration de la ville pour les fêtes de fin d’année, puis complice à son corps défendant de l’application d’un arrêté de la mairie désireuse d’éloigner les clochards et SDF du centre-ville. Lors de ses déambulations, Jérôme va rencontrer La Chignole, un clochard fort en gueule et haut en couleurs, ainsi surnommé parce qu’il avait le doux espoir de faire son trou ; puis Lucien, son collègue de travail écartelé entre sa vie professionnelle et personnelle, phagocyté par une femme ambitieuse qui l’oblige à se compromettre dans de basses exactions.

    Inscrit dans la réalité la plus brute, sans misérabilisme excessif, le film s’attache aussi à la question du choix pour Jérôme : accepter de participer à l’expulsion des clochards jusqu’à ce que La Chignole fasse partie d’un lot, rester en ville ou repartir rejoindre sa mère à la ferme.

     On sent qu’une osmose existe entre le réalisateur et son acteur principal : Benoît Giros, déjà vu dans le très oubliable La tour Montparnasse infernale. Giros donne à son personnage de multiplies facettes qui vont du tragique au véritable comique, comme par exemple la scène du repas entre sa sœur, son collègue et l’ami de celle-ci, suivi par un jeu de découvertes d’identités d’abord drôle, puis virant au jeu de massacre révélateur des frustrations et autres blessures de chacun.

    Dans le rôle de la Chignole, nous retrouvons Serge Riaboukine, décidément trop cantonné aux seconds rôles. Cet acteur extravagant, à la vraie personnalité, est un homme de fidélités, coutumier de réalisateurs comme Manuel Poirier (A la campagne, Marion ou encore Western) ou Pierre Salvadori (Cible émouvante, Les apprentis). Mais sa plus belle prestation jusqu’ici demeure pour moi celle de ce père de famille bourru et vengeur dans Peau d’homme, cœur de bête, film d’Hélène Angel sorti en 1999.

    Nous lui savons gré ici d’avoir composer son personnage de clochard sans esbroufe, sans cabotinage, le rendant dès lors plus authentique et touchant, réussissant même à nous arracher de vrais rires (la scène de la télécommande dans le magasin).

    Si nous pouvons faire un peu plus la fine bouche sur une fin trop facilement heureuse, réconciliatrice et qui tranche forcément avec le climat du reste du film, nous ne pouvons pas ne pas saluer le beau travail d’Eric Guirado, qui signe ici un premier film personnel qui lorgne à la fois du côté de Ken Loach (le social contemporain) et du meilleur de Manuel Poirier (relations des personnages).

    Nous attendons dès à présent le second long métrage de ce jeune réalisateur prometteur dans le paysage cinématographique français. Une heureuse découverte, en somme.

Patrick