cinéma

Requiem de Hans-Christian Schmid

[4.0]

 

 

Le cinquième long-métrage de Hans-Christian Schmid s’inspire directement d’un fait divers réel, encore bien présent dans la mémoire de ses concitoyens : en 1976 à Klingenberg en Bavière, une jeune étudiante catholique Anneliese Michel meurt de malnutrition et d’épuisement, suite à plusieurs douzaines de séances d’exorcisme infligées parce qu’elle entendait des voix et se disait habitée par les démons. Le cinéaste bavarois s’est donc emparé de cette histoire terrible, dont la tragique et véritable héroïne est toujours vénérée comme martyre par des pèlerins venus de toute l’Europe et fut déjà l’inspiratrice de L’Exorcisme d’Emily Rose (2005), pour dresser le portrait brut et psychologique d’une jeune fille placée au cœur d’une situation extrême, se resserrant autour d’elle sans que sa famille et ses amis soient en mesure de lui porter secours.

 

Michaela a vingt-un ans et veut poursuivre des études universitaires à Tobingen, petite ville du sud du pays contre l’avis d’une mère froide et autoritaire vivant dans la peur permanente de la rechute de sa fille sujette à des crises d’épilepsie. Epaulée par un père plus affectueux et arrangeant, Michaela parvient à louer une chambre dans un foyer et découvre enfin la liberté de mouvements. Elle renoue avec Hannah une ancienne copine de classe perdue de vue et rencontre Stefan, un étudiant avec qui elle se lie. Mais, les crises épileptiques reprennent, gagnent en fréquence et en intensité, provoquant son retour au sein de sa famille qui ne voit comme solution ultime que de la remettre entre les mains de prêtres exorciseurs.

Nous sommes trente années en arrière et cela donne l’impression d’être des siècles plus tôt et de revenir à une époque bien plus lointaine où la maladie mentale de Michaela ne pouvait pas être soignée par la voie médicale de la psychiatrie. D’abord placée dans l’environnement du foyer et de l’université, Michaela, timide et réservée mais nullement demeurée, prend ses marques et apparaît comme à peu près normale, ce que confirme le regard du cinéaste qui se place à travers la perception de Hannah et de Stefan. Mais le retour à la maison pour Noël suffit à briser la mince carapace que l’étudiante a pu se forger hors de chez elle, anéantie par sa mère qui jette à la poubelle les nouveaux vêtements qu’elle venait de s’acheter.

 

Requiem ne prend jamais parti, ne livre aucune explication sur le comportement de Michaela, laissant au spectateur l’orientation de son propre jugement. Le film séduit énormément par la qualité de sa mise en scène : fidèle mais jamais démonstrative reconstitution des années 70 jusqu’au grain de l’image, zooms récurrents sur l’héroïne que le cinéaste scrute au plus près, énergie du filmage. Bien sûr, la force dégagée par Requiem doit beaucoup à l’interprétation exceptionnelle de Sandra Huller, d’ailleurs récompensée de l’Ours d’Argent au dernier festival de Berlin. Aussi bien dans les moments de calme que dans les accès de crises, la comédienne est toujours d’une extrême justesse, faisant entrevoir au spectateur compassionnel et impuissant l’immensité de son désarroi et la profondeur de l’abîme dans lequel elle plonge lentement, mais sûrement, sous nos yeux.

Naturaliste et aride, refusant toute facilité inhérente par rapport à son propos, Requiem vient aussi confirmer la renaissance du jeune cinéma allemand et hante bien longtemps les esprits après la fin de la projection.

 

Patrick Braganti

 

Drame allemand – 1 h 33 – Sortie le 13 Décembre 2006

Avec Sandra Huller, Burghart Klaussner, Imogen Kogge