cinéma

Son frère  de Patrice Chéreau        

                                                                                   

 

    Le corps comme vecteur et révélateur des tourments et des souffrances de l’âme a toujours été au cœur de l’œuvre de Patrice Chéreau, aussi bien au théâtre qu’au cinéma, y produisant des pièces ou des films dans lesquels les rapports violents et conflictuels se taillent la part du lion  Notre frère n’échappe absolument pas à la règle. Bien au contraire, puisque Chéreau nous met en présence d’un jeune homme Thomas (Bruno Todeschini, habité) atteint d’une maladie incurable qui détruit ses plaquettes sanguines. Celui-ci reprend contact avec Luc (Eric Caravaca, déjà remarquable dans La chambre des officiers) avec qui il est brouillé depuis des années. Curieusement, Thomas va de plus en plus se rapprocher de Luc, s’intéressant même à sa vie d’homosexuel et passant de plus en plus de temps avec lui.

 

    C’est un film dur et bouleversant parce qu’il ne nous épargne rien de la déchéance physique de Thomas ; une grande partie de Son frère se situe à l’intérieur de l’hôpital. A cet effet, Bruno Todeschini a perdu douze kilos pour atteindre une maigreur réellement maladive. On retrouve donc bien ici la fascination récurrente de Chéreau pour la mort et la décomposition des corps, déjà évoquées dans Ceux qui m’aiment prendront le train et dans une moindre mesure La reine Margot.

 

    Il n’y a pas de pathos superflu dans le film ; les deux frères ne sont pas si proches, chacun à travers l’épreuve de Thomas faisant un travail sur lui-même et entamant à travers l’évocation de souvenirs communs un mouvement d’approche. Claire (Nathalie Boutefeu), la petite amie de Thomas, en ayant une liaison avec Luc, fait aussi vaciller les croyances et les certitudes de celui-ci.

 

    Chéreau, plus que jamais cinéaste du temps qui passe et qui sème la déchéance et la mort, réalise un film dense et émouvant, sans aucune sensiblerie comme à son habitude. Dans des tons froids et cliniques, où le bleu-gris domine, Thomas au corps christique et décharné commence son cheminement vers la mort, d’abord révolté et en colère, puis résigné, apaisé et enfin réconcilié avec Luc, mais surtout avec lui-même.

 

    Cette sécheresse de traitements et cette exposition des corps et des âmes nullement masqués rendent tout simplement Notre frère magnifique, poignant et l inscrivent durablement dans notre mémoire cinéphile.

Président aux choix tranchés du dernier festival de Cannes, metteur en scène talentueux de Phèdre – en septembre sur Arte - , homme de convictions avouées et défendues – comme l’ont démontré ses positions sur le conflit des intermittents du spectacle – Patrice Chéreau est devenu une personne originale et indispensable dans le milieu culturel français avec qui il faut durablement compter.

 

Patrick