cinéma

Tan de repente  de Diego Lerman      

 

    Loin d’un simple divertissement pour amateurs de pop-corn, le cinéma est bel et bien un art à part entière, devenant parfois vecteur d’expression pour un pays et témoin privilégié des errements de son peuple.  C’est assurément ce qui est en train de se passer en Argentine, pays en pleine crise économique, au cinéma paradoxalement fécond, varié et digne de regard.

 

    Tan de repente, qui tient à la fois du road-movie et de l’introspection immobile, fait donc partie de ce chapelet de films argentins qui déboulent sur les écrans européens.

Aux côtés de ses collégues Lucrecia Martel, Daniel Burman et Adrian Caetano, le benjamin Diego Lerman, à peine âgé de 26 ans, réalisateur jusqu’à présent de 5 courts métrages signe un premier long esthétique en noir et blanc qui nous balade à travers l’Argentine, de Buenos Aires à Rosario au bord de la mer en suivant Marcia, jeune vendeuse de lingerie en proie à des kilos superflus et fraîchement larguée par son mec. Celle-ci vient juste de croiser la trajectoire en roue libre d’un couple de jeunes punkettes Mao et Lénine, vaguement lesbiennes, plus certainement en rupture avec la société. Elles embarquent toutes les trois pour un périple qui va les conduire chez la vieille tante de Lénine, qui héberge aussi deux jeunes étudiants, un garçon (le seul de cette histoire essentiellement féminine) et une autre jeune fille. Après la balade à travers le pays, prétexte à des rencontres singulières et éphémères, l’action se sédentarise et se ralentit, concentrée sur les trois héroïnes assorties des trois autres, multipliant les relations et les combinaisons souvent inattendues permettant à chacune de se découvrir.

 

    D’abord léger et distant, car la vie de Marcia nous apparaît plus sans reliefs que réellement tragique, Tan de repente va s’appliquer à nous familiariser avec ce trio de jeunes filles, qui semble refuser les marques d’amour et qu’un revers de la vie finira par rendre un peu plus sereines, plus matures aussi.

Tourné en noir et blanc, où malgré l’importante luminosité de ce pays du sud nous avons l’impression de voir plus souvent le noir, le film très découpé au montage saccadé alterne les plans larges durant le voyage et les plans très rapprochés sur les visages.

Tan de repente a tout simplement beaucoup de charme et de grâce et la magie opère nous liant au destin de ses actrices toutes formidables.

 

    Présenté dans de nombreux festivals, il y a reçu à juste titre des récompenses comme le Léopard d’argent au dernier festival de Locarno.

Alors que Historias minimas, autre opus argentin, débarque à son tour sur nos écrans, nous espérons que la nouvelle bonne santé créatrice de ce cinéma n’est que l’annonce du redressement de ce grand pays d’Amérique du Sud.

 

Patrick