cinéma

The taste of tea de Katsuhito Ishii

[5.0]

 

 

    The Taste of tea, qui se traduit par la saveur du thé en référence au breuvage préféré des Japonais qu’ils boivent en grandes quantités et presque inconsciemment, fait partie de ces films inclassables, polymorphes, à la trame ténue, mais au charme incontestable et durable.

Quelque part dans une région montagneuse, loin du bruit et de l’agitation des grandes métropoles grouillantes vit la famille Haruno, peu conventionnelle et bigarrée, qui va connaître un printemps plein de surprises et de découvertes. Au sein de cette maisonnée, au milieu des rizières et des prés rectangulaires vert anis, cohabitent une petite fille, un adolescent, leur parents et leur grand-père, ainsi que le frère de leur mère.

 

    Sachiko, la petite fille calme et réservée, a un gros souci : elle voudrait bien se débarrasser de son double géant qui la surveille en permanence entravant sa liberté de mouvements. Hajime, lycéen doux et rêveur, est en plein émoi amoureux et devient un mordu du jeu de go pour se rapprocher de sa dulcinée. La mère dessinatrice de mangas s’apprête à proposer ses dernières réalisations à un as du monde de l’animation. Le père médecin hypnotiseur regarde les évolutions de tout son petit monde avec tendresse et sérénité. Le grand-père se livre à des mouvements chorégraphiques qui inspirent la dessinatrice. Quant à l’oncle pas mal lymphatique, il mixe dans un studio, tente d’oublier un ancien amour et de se remettre d’un acte improbable commis durant son enfance dans une sorte de forêt hantée.

Le film est une succession de fragments de la vie des Haruno dans leur maison mais aussi à l’extérieur qui conjuguent poésie, délicatesse et alternent gravité et drôlerie.

 

    Comme l’indique son producteur, The Taste of tea est « est un film sur l'instant et l'éternité, sur l'essence du temps et son rôle dans notre existence, sur ces entre-deux où nous ne sommes ni particulièrement actifs, ni particulièrement alertes, mais qui font l'intérêt d'une vie.. ».

Sans cesse surprenant, recourant aux trucages numériques et revêtant des formes multiples jusqu’à un petit film d’animation de quelques minutes – fruit du travail de la mère -, The Taste of tea ne laisse pas de nous séduire par son inventivité formelle et sa fantaisie revigorante.

La rébellion d’une employée chétive taxée d’adultère par son patron jaloux dessinateur de BD à qui elle casse avec entrain la figure, l’enregistrement d’une chanson bien ringarde ou encore la mésaventure d’un yakuza enterré sur qui un chenapan constipé se libère en se méprenant sur la nature du réceptacle sont autant de moments loufoques.

Pendant plus de deux heures vingt, on partage sans ressentir aucune baisse de régime les trajectoires entremêlées des membres de cette drôle de tribu. Si le ravissement nous saisit souvent devant cet étrange objet kaléidoscopique, l’émotion affleure aussi, comme dans cette scène d’une simplicité bouleversante où la famille découvre les singuliers cadeaux laissés par le grand-père.

 

    Ishii nous enchante avec son film constellé de mille et une séquences qui finissent par composer la chronique originale d’une famille atypique et attachante dont chaque membre va jusqu’au bout de ses rêves et de ses idées. Où réussir à faire un tour complet de barre fixe peut changer la vie.

The Taste of tea est tout simplement un petit bijou magique et euphorisant : on est sans cesse touchés par cette originalité qui est tout sauf exercice de style et par cette grâce perpétuelle qui imprègne chaque scène. Dépêchez vous d’ajouter les Haruno à vos connaissances.

 

Patrick Braganti

 

Film japonais – 2 h 23 – 20 Avril 2005

Avec Sato Takahiro, Maya Banno, Tadanobu Asano

 

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