cinéma

Team America Police du monde de Trey Parker et Matt Stone

 

 

 

1/2 

    Lors du lancement de la promotion de Team America, police du monde, en pleines guerres irakienne et diplomatique, le potentiel critique du deuxième film des géniteurs de South Park en a réjoui beaucoup. Mais il n’a jamais été question pour Trey Parker et Matt Stone de prendre la suite de Michael Moore, William Karel et autres Christine Rose dans la croisade anti-Bush. En grands dénonciateurs de l’absurdité ambiante qu’ils sont, le “thème” du terrorisme international leur sert plutôt d’inépuisable source scénaristique. Sur cette base malheureusement riche, ils peuvent pointer d’un doigt fabuleusement moqueur les bêtises proférées de tous les côtés.

 

    La Team America a sa base dans le célèbre Mont Rushmore, avec à sa tête M. Spottswoode et l’ordinateur INTELLIGENCE. Cette équipe de super-agents est bête, brutale et fière du travail qu’elle accomplit. Paris, où se situe la tordante scène d’ouverture du film, en est la preuve infortunée. L’unique raison d’être de cette force armée est de traquer le tout-venant terroriste et de le détruire. Le rôle du “grand” méchant est tenu par Kim Jong-il, qui martyrise les inspecteurs de l’ONU et se sert de l’opposition des acteurs hollywoodiens à la Team America pour couvrir son commerce d’armes de destruction massive.

 

    Autant le dire tout de suite, l’intérêt principal de ce film d’animation, ou plutôt de marionnettes animées, n’est pas son ancrage délirant dans l’actualité. Situé dans un univers complètement imaginaire, le film aurait un peu perdu en rapidité de mise en place des “enjeux scénaristiques”, mais rien de bien grave. L’humour délicieusement trash, potache et absurde des créateurs du cultissime South Park et de l’amusant That’s my Bush est toujours aussi efficace. Ça transgresse à tout va, ça s’autoridiculise et ça fait rire.

Le papier collé de leur série phare a laissé la place aux marionnettes quand Parker et Stone ont découvert en 2003 un épisode de la série Thunderbirds, qui utilisait le même procédé. Mais l’effet produit reste identique : les productions des deux sales gosses américains sont définitivement dédiées au divertissement et pas à un quelconque engagement politique. Il suffit d’écouter Kim Jong-il pousser la chansonnette sur sa solitude avec un terrible accent asiatique pour s’en convaincre.

Ayant dû tout apprendre depuis le début, les auteurs de Team America, police du monde ont brillamment assimilé la manipulation des marionnettes. Ils ne se privent d’ailleurs pas d’utiliser la limite de mobilité de leurs pantins pour créer des effets comiques. Les trouvailles visuelles abondent, comme la visite de Washington par le héros Gary ou les panthères du dictateur nord-coréen.

 

    Finalement, bien loin de l’œuvre polémique que l’on pouvait attendre, c’est sur les acteurs américains que Team America tape le plus (au sens propre comme au sens figuré). Espérons que Matt Damon et Ben Affleck ont une bonne dose d’humour. Le plus grand cri de Trey Parker et Matt Stone, au fil du temps, semble en effet se diriger contre le système hollywoodien. Même s’ils déclarent qu’il s’agit là de leur dernier long métrage, ce qu’ils avaient déjà dit après South Park, longer, bigger and uncut,  on ne peut qu’attendre leur prochaine production, tant il est réjouissant de les retrouver sur le petit comme sur le grand écran.

 

Sébastien Raffaelli

 

 

     Serions-nous en droit d'attendre une surprise ? Trey Parker et Matt Stone, créateurs de la série culte South Park adulée par tous (du gamin travaillé par ses hormones au trentenaire indulgent), ont-ils eu l'audace de changer de registre ? L'audace de varier leur humour, d'approfondir leur réflexion au risque de décevoir l'ensemble de leurs fans ?

   

    Définitivement, non. Dès les premières images, nous sommes fixés : Trey Parker et Matt Stone ont été, sont, et de toute évidence, resteront de joyeux lurons à l'humour corrosif et irrévérencieux, immature et, il faut l'avouer, assez jouissif. Aujourd'hui armés de simples marionnettes quasi-inexpressives, le tandem cadenasse les clichés apprivoisés par la population, les cuisine et les ressert à sa sauce :  nous savourerons ainsi le "Jean-François" lancé en plein Paris par une bourgeoise endimanchée à l'accent faussement franchouillard ou encore les yeux perçants de terroristes afghans, accompagnés d'une BO digne d'un Hans Zimmer travaillant sur le nouveau blockbuster de Jerry Bruckheimer. Un Bruckheimer lui aussi indirectement parodié à outrance, aux côtés de son compatriote Michael Bay : les principales marionnettes, ultra-républicaines, incarnent sans doute possible les grands héros des superproductions hollywoodiennes, telles Armageddon ou Pearl Harbor.

   

    Bien. Parker & Stone ont donc, une fois de plus, revêtu leurs costumes de bouffons indépendants et nous ont même bien amusé, un temps. Là où le bât blesse, dans Team America, c'est lorsque les deux compères se mettent en tête de mêler à leur brave histoire de marionnettes assoiffées de pouvoir, de violence et surtout de sexe un discours pseudo-politique qui, en plus d'être totalement stérile et impuissant, porte à confusion. En effet, à force de taper sur tout le monde et de jouer aux anarchistes se limitant à la destruction, les auteurs du très TROMAtisant Cannibal the Musical se prennent à leur propre jeu et s'enlisent dans un univers vide, vide de sens, d'esprit, de pertinence. Critères futiles lorsque les sujets abordés se limitent à la libido du Cartman international ou aux différentes positions du Kamasutra, mais déjà plus handicapants lorsqu'il s'agit de dépeindre le paysage politique états-unien, et sa politique extérieure (notamment face aux dictatures). Autre désagrément : s'attaquer à un sujet tel que celui du conflit entre démocrates et républicains en caricaturant et en démolissant tout ce qui s'y rapporte, hormis le principal intéressé, à savoir le président George W. Bush, ceci s'appelle de la lâcheté (ou de (l'approximation maladroite, à vous de choisir). L'idéologie est brumeuse y'a-t-il idéologie ?), l'expérience est carrément ratée, voire déplaisante.

   

    C'était donc, en résumé, l'histoire du semi-naufrage de Team America, pourtant mis en scène par l'un des duos les plus créatifs sévissant Outre-Atlantique. Ou comment un humour innocemment salace se fait voler la vedette par une prétention puérile.

 

Axel Cadieux

 

Film américain – 1 h 37 – Sortie le 09 mars 2005

Avec les voix de : Trey Parker, Matt Stone…

 

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