cinéma

Tellement proches ! de Teresa de Pelegri     

 

 

    Venus de Madrid à Barcelone, Leni et Rafi, tourtereaux en phase d’union, sont particulièrement fébriles à la perspective de la présentation à venir avec la famille de la jeune fille. Une fébrilité qui se manifeste chez le garçon par une sudation importante qui l’oblige à changer de vêtements régulièrement et chez la fille par une envie irrépressible de faire l’amour, y compris dans l’ascenseur, avant d’arriver chez ses parents. Un état d’anxiété dont la cause n’est pas seulement la crainte que le futur gendre ne reçoive pas l’approbation de la belle-famille. La raison plus légitime et compréhensible est en relation directe avec les origines de chacun : en effet la famille de Leni est juive et Rafi est palestinien. La rencontre a donc toutes les chances d’être houleuse, d’autant plus que la mère de Leni est l’archétype même de la mère juive, son grand-père un ancien soldat du Tsahal à la gâchette facile, devenu aveugle et toujours revanchard, son frère cadet en pleine crise de mysticisme avancé. Seule la sœur, fille-mère libérale tendance nymphomane, danseuse du ventre à ses heures, se tient éloignée de cette ambiance « shabbat, bougies et pas de téléphone ». Quant au père, il est au début curieusement absent, accaparé selon les dires de son épouse par un surcroît de travail.

Une telle palette de caractères trempés n’est pas faite pour mettre à l’aise le pauvre Rafi, qui, recruté pour préparer une soupe congelée, l’envoie valdinguer quelques étages plus bas sur la tête d’un pauvre malheureux que le coup semble avoir fait trépasser. S’ensuit une suite de quiproquos sur son identité dans un rythme effréné et gaguesque au possible.

 

    C’est le grand mérite de cette comédie sans prétentions de délocaliser son sujet, de transposer à l’intérieur d’un cercle familial dans la capitale espagnole la représentation de l’opposition entre israéliens et palestiniens. Et de traiter le tout avec drôlerie, pas trop de sérieux, provoquant des rires naturels et plaisants. Même si, malgré l’amour que se porte Leni et Rafi, le conflit ancestral qui agite leur deux peuple peut rejaillir soudain dans une scène de ménage excessive et grotesque jusqu’à l’épuisement mutuel des arguments intimes, puis politiques.

Misant sur le comique de situation avec notamment la recherche du père dont l’absence prolongée révélera peut-être une double vie, Tellement proches lorgne du côté du film communautaire en y insufflant intelligence et énergie. L’abattage des comédiens au diapason achève de convaincre. Cependant, on peut déplorer que le rythme s’essouffle en bout de course et qu’il nous soit proposé une fin terriblement convenue et consensuelle. Hormis cette réserve, Teresa de Pelegri nous offre un divertissement décalé tout à fait honorable sur un sujet – faut-il le rappeler ? – autrement tragique sous d’autres latitudes.

 

Patrick Braganti

Film Espagnol – 1 h 29 – Sortie le 26 Janvier 2005

Avec Norma Aleandro, Guillermo Toledo, Maria Botto

 

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