cinéma

Terre promise de Amos Gitai  1/2

 

 

    Qu’est-il arrivé au réalisateur subtil et engagé de Kippour et Kedma pour qu’il nous assène un film nauséeux, insupportable et complaisant par certains aspects ? Le sujet en est hélas inspiré de la plus triste et sordide des histoires, celle de la traite des blanches en plein essor entre l’Europe de l’Est et le Moyen-Orient. Plus précisément du transfert de jeunes femmes slaves vers Israël via le Sinaï où elles sont véhiculés par des bédouins avant d’être vendues aux enchères et bringuebalées de Ramallah à Haïfa.

 

    D’abord, on a l’impression qu’il ne fera jamais jour dans Terre Promise. En effet, tout le début a lieu dans l’obscurité seulement tenue à distance par des feux de camps, des torches qui aveuglent des visages égarés ou des phares de voitures. Déjà peu facile à suivre, le film est tourné caméra à l’épaule dans une agitation constante et exténuante. Bien sûr, c’est un moyen toujours efficace d’illustrer l’urgence et le danger latent. Mais entre le passage de la frontière et la vente des filles comme une vulgaire marchandise par une Anne Parillaud survoltée au milieu d’une ronde lancinante de voitures , nos pupilles de spectateur sont mises à rude épreuve.

Ce que la suite ne permet pas d’infléchir : emmenées sur une espèce de club flottant au bord de la Mer Rouge, les jeunes filles apeurées sont lavées à grande eau dans un ersatz de douche collective qui en rappelle d’autres de sinistre mémoire, puis prises en main par la maquerelle en chef, campée par une Hanny Schygulla empâtée et grotesque.

Se noue ensuite une amitié entre deux filles traversée d’images subliminales auxquelles on ne comprend strictement rien avant un attentat qui permettra la fuite de ces deux-là vers un espoir et une liberté possibles.

 

    Par son filmage sans répit, très violent où le bruit est partout, par son sujet très lourd et sans concessions, Terre Promise n’est bien sûr pas une partie de plaisir. Mais se limité à une cavalcade incessante et épuisante pour tout le monde.

Véritable descente aux enfers pour ces filles perdues traitées sans humanité dans un pays détruit par des années d’attentats, Terre Promise , titre trompeur comme une promesse non tenue, a plus valeur de reportage documentaire sur-vitaminé que de film de cinéma malgré sa mise en scène maîtrisée.

La vision très noire d’Amos Gitaï se justifie sans doute par ces trafics internationaux de mieux en mieux organisés et tolérés, l’actualité préférant orienter ses projecteurs sur d’autres problèmes dans cette région. On peut néanmoins ne pas souscrire à ce réquisitoire rageur et colérique qui provoque chez le spectateur pris à parti non la compassion mais la nausée et l’asphyxie. Ce qui est pour le coup regrettable.

 

Patrick Braganti

 

Film israélien – 1 h 30 – Sortie 12 Janvier 2005

Avec Anne Parillaud, Hanna Schygulla, Diana Bespechni

 

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