cinéma

The Constant gardener de Fernando Meirelles

[3.5]

 

 

Si par une idée saugrenue on associait une couleur à un cinéaste, c’est de toute évidence l’ocre qui serait attribué à Fernando Meirelles. Tout comme dans son formidable précédent film La cité de Dieu, cette couleur flamboyante, couleur de terre mais aussi de visages métissés là, burinés ici est omniprésente. Et de la même manière, on retrouve un patchwork de tons vifs et éblouissants, des cadrages à l’oblique et un filmage énergique. Des procédés qui aujourd’hui permettent d’identifier de suite le travail du réalisateur brésilien, sans que cette façon de faire s’apparente à une posture ou à des tics. Car la forme sert avant tout le fond.

 

Quittant les favelas surpeuplées de gamins laissés à eux-mêmes, Fernando Meirelles place ses caméras au Kenya pour adapter un roman de John Le Carré, auteur britannique de thrillers d’espionnage souvent denses et flirtant avec l’actualité et le politiquement incorrect. A travers l’histoire d’un couple contrasté, formé par Justin Quayle un haut fonctionnaire réservé et obéissant en apparence et par Tessa, une brillante avocate, véritable pasionaria des droits de l’homme et du continent africain. A la suite de l’ assassinat de Tessa maquillé en crime passionnel, Justin décide d’enquêter et découvre les accointances des grands laboratoires pharmaceutiques avec son propre gouvernement et l’impact auprès des populations africaines réduites à servir de cobayes.

Dès lors, le film lorgne du côté du pamphlet, comme une virulente dénonciation de l’exploitation éhontée de l’Afrique par l’Occident.

 

The Constant gardener est un film passionnant et haletant qui entremêle une histoire d’amour, de ses prémices à sa transcendance post-mortem, et un suspense qui dépasse largement son cadre et nous emmène du Kenya à Londres en passant par Berlin. A l’image du roman de Le Carré, le film de Fernando Meirelles est touffu et polymorphe, tour à tour drame sentimental, film d’espionnage et western épique eu égard aux dernières scènes du film un tantinet grandiloquentes et appuyées.

Au sein d’une distribution relevée, on retrouve avec plaisir Ralph Fiennes (La liste de Schindler, Le patient anglais, Spider) jouant avec une étonnante retenue un personnage tourmenté, passant de la mollesse indécise à la détermination active et finissant par tomber amoureux de sa jolie et jeune épouse après sa disparition.

Fernando Meirelles n’a rien perdu de son efficacité énergique – parfois un peu trop – en quittant le continent sud-américain et s’approprie de façon convaincante le bouquin de Le Carré et la problématique africaine placée sous le joug de lobbies internationaux aux ramifications complexes et interchangeables.

Exceptés quelques moments virtuoses qui alourdissent la mise en scène dont on salue par ailleurs la nervosité, l’ampleur et la brutalité, The Constant gardener vient confirmer tout le bien que l’on pensait de Fernando Meirelles.

 

Patrick Braganti

 

Thriller américain – 2 h 08 – Sortie le 28 Décembre 2005

Avec Ralph Fiennes, Rachel Weisz, Danny Huston

 

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