cinéma

The King de James Marsh

[4.0]

 

 

Avec son regard franc, son sourire doux et ses bonnes manières sans brusquerie, on donnerait volontiers le Bon Dieu sans confession à Elvis, vingt et quelques printemps, tout droit sorti d’un service de trois années dans la Navy. Et du Bon Dieu il en est aussi quelque part question dans le premier film de fiction du documentariste James Marsh, puisque c’est après tout le fonds de commerce du père de Elvis, David Sandow, pasteur évangéliste de son état. Mais le jeune marin est bien le seul à savoir que Sandow est son géniteur dont il découvre l’étonnante fonction et l’aura indéniable auprès de ses ouailles lorsqu’il débarque à Corpus Christi dans le seul but de rencontrer son père.

Or David Sandow qui a trouvé le bon chemin en rencontrant Dieu et en en faisant sa profession (de foi ?) apparemment lucrative eu égard à son train de vie, voit d’un très mauvais œil l’arrivée de son fils naturel, alors qu’il a depuis fondé une famille plus que respectable composée d’une femme ravissante et de deux enfants tout ce qu’il y a de plus propre. Pensez donc : l’aîné, Paul, se partage équitablement entre son lycée et son amour du rock, enfin d’un certain style de rock, celui qui verse dans les mièvres complaintes à connotation biblique et amour de son prochain.

 

Le maillon faible de la famille Sandow, c’est probablement Malerie, la cadette de seize ans, adolescente transparente que Elvis charme et finit par dépuceler. Ce n’est là que la première étape d’une descente aux enfers pour tout le clan Sandow. Préméditation de la part de Elvis ou arrangement en fonction des incidents de parcours ? La réponse n’est pas donnée et peu importe. Ce qui est plus important et singularise The King, c’est la froide détermination et le sang-froid cynique dont Elvis fait preuve. Sans jamais se départir de sa bonne tenue, le film bascule avec Elvis dans la folie destructrice.

Après la disparition de Paul que ses parents et la police attribuent à une fugue d’adolescent, David implore le pardon de son patron (de Dieu, pardon) et qu’il lui indique la voie à suivre. Une voie de substitution en quelque sorte, Elvis devenant le fils de remplacement, le gendre putatif et tutti quanti.

A ce moment-là, on se dit qu’en effet Elvis est bien le roi des manipulateurs, des filous et des imposteurs mais ses dernières exactions et son ultime requête auprès de son pasteur de père laissent entrevoir une faille autrement plus grande.

 

D’une noirceur totale, The King ne cache pas ses références bibliques comme entre autres la rivalité entre deux frères (le mythe d’Abel et de Caïn) et prône in fine la possibilité de la rédemption et du pardon, même après avoir commis les actes les plus odieux, ce qui est aussi un des concepts phares de la religion chrétienne. Sous influence gothique, James Marsh propose un cinéma qui mêle étroitement l’étrange au réalisme. En cela, il opère une filiation directe avec des réalisateurs comme David Lynch, Charles Laughton ou encore Terrence Malick, pour ce qui est du rapport avec la nature et les éléments.

The King est donc un premier film tout à fait surprenant, voire un peu dérangeant et constitue aussi une virulente charge contre le délire évangélique que connaissent en particulier les états du Sud, organisé par des prédicateurs au comportement de rock star, nullement gênés lorsqu’il s’agit de pratiquer la chasse à l’arc ou d’offrir une voiture à leur fils bachelier en exhibant une carte au nom de Jésus comme moyen de paiement !

 

Patrick Braganti

 

Drame américain – 1 h 45 – Sortie le 25 Janvier 2006

Avec Gael Garcia Bernal, William Hurt, Pell James

 

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