cinéma

Une Vérité qui dérange de Davis Guggenheim

[2.0]

 

 

Sur son sujet, le réchauffement planétaire – global warning en version originale - , Une Vérité qui dérange n’a rien de révolutionnaire et n’apprend pas grand-chose, si ce n’est quelques données chiffrées, sur le devenir catastrophique du monde. Pour peu bien sûr que l’on soit soi-même à l’écoute de l’actualité et de ses tragiques et fréquents comptes-rendus de tous les cataclysmes (ouragans, tsunamis, tempêtes) que subit notre vieille Terre.

Sur son dispositif – qui se résume en majeure partie au filmage d’une conférence bénéficiant de tous les moyens modernes et high-tech de présentation -, Une Vérité qui dérange n’a rien de passionnant. Nous sommes ici au degré zéro de l’invention en matière de réalisation et de mise en scène.

 

Alors, me direz-vous : pourquoi diantre aller voir ce film ? Hormis le fait que sa vision est en effet fort dispensable, le principal intérêt du documentaire réside en la personne de son instigateur et de son acteur principal : Al Gore himself, ci-devant ancien vice-président de Bill Clinton et premier challenger vaincu de George W. Bush. Quel homme, quel pédagogue et surtout quel comédien que cet Al Gore, à qui l’on décernerait volontiers et sans ciller un prix d’interprétation masculine !

Certes, l’action maléfique des gaz à effet de serre et le bond des émissions de dioxyde de carbone, responsables du réchauffement et des drames écologiques, ont toujours interpellé l’homme politique, qui eut la chance de rencontrer un professeur fantastique lors de ses années de lycée qui l’éveilla et lui montra la voie. Recalé à l’élection présidentielle, ce qui constitue un échec dur à avaler de son propre aveu, Al Gore s’est reconverti en VRP international de la cause écologique. Parcourant la planète dans tous les sens, il y présente depuis un bon millier de fois une conférence aux petits oignons avec force chiffres et graphiques, effrayants pour notre avenir à moyen terme. Jouant les pédagogues éclairés et éclaireurs avec un art consommé de la mise en scène, sachant ménager ses effets, utilisant une technologie interactive et ludique, maniant un humour féroce et plein d’(auto)dérision, Al Gore se révèle un professeur hors pair et charismatique. Ce qui ne laisse pas d’étonner sur la santé mentale des Américains : comment ont-ils pu préférer l’obtus et limité Bush à l’intelligent et malicieux Al Gore ?

 

Il est indéniable que cet homme-là y croie dur comme fer, tant son discours, particulièrement mordant et lucide envers son peuple, est convaincant et communicatif. Mais, Une Vérité qui dérange aurait été du coup plus captivant et plus marquant s’il s’était cantonné à mettre en images le sacerdoce loyal et engagé de Al Gore.

Le plus gênant tient en ce que celui-ci n’ait pas rompu entièrement avec ses velléités de pouvoir et de conquête politique. Ainsi, le film se transforme dans ses interstices en clip de campagne, voire en panégyrique à la gloire de son héros, qui n’hésite pas à évoquer sans vergogne ni pudeur les épisodes douloureux et fondateurs de sa vie : accident de son fils à six ans qu’il faillit perdre, mort de sa sœur, influence de la figure tutélaire du père. Dans ces moments, Al Gore reste un Américain pur souche, un tantinet moralisateur et donneur de leçons, apôtre du « do it yourself ». D’ailleurs, le générique final est parsemé de judicieux conseils à l’adresse du spectateur responsable.

 

On ignore si Une Vérité qui dérange – sans que l’on perçoive au demeurant en quoi et qui elle dérange – aura l’effet escompté : être le catalyseur d’une prise de conscience et d’une mobilisation over the world. Mais comme il le dit lui-même avec ironie, l’énergie politique est renouvelable. Ce qui laisse augurer d’enfiévrés débats…

 

Patrick Braganti

 

Documentaire américain – 1 h 38 – Sortie 11 Octobre 2006

Avec Al Gore

 

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