cinéma

Uno de Aksel Hennie

[3.5]

 

 

Uno, c’est avant tout un jeu de cartes dont la règle consiste pour le futur gagnant à se débarrasser de toutes ses cartes, sans oublier de lancer à la cantonade le nom du jeu avant de poser sur le tapis l’ultime carte. Si Aksel Hennie, acteur norvégien qui signe ici sa première réalisation, a choisi d’intituler son film ainsi, c’est pour l’analogie évidente entre tous les jeux de cartes et le cours de toute vie forcément marquée par le hasard et ses imprévisibles rebondissements. Aksel Hennie pousse encore plus loin le parallélisme puisque David, son personnage principal qu’il interprète lui-même, doit en quelque sorte faire table rase de son existence actuelle – abattre toutes ses cartes – pour envisager de redémarrer sur de nouvelles bases. Le jeune cinéaste ouvre même chaque chapitre de son film par une carte du jeu.

David vit à Oslo chez ses parents, plus précisément dans la cave de leur appartement qu’il investit comme refuge le coupant du reste du monde et de ses problèmes. Alors que son père atteint d’un cancer dépérit dans son lit, David passe son temps à soulever de la fonte dans une salle de gym qui lui sert aussi de plaque tournante à de sombres trafics impliquant le fils du propriétaire des lieux, son meilleur pote Morten et la communauté pakistanaise locale.

Arrêté par la police pour un trafic d’anabolisants, David se trouve placé devant un choix cornélien : pour être libéré et rejoindre au plus vite l’hôpital où son père vient d’être transféré, il doit livrer le nom d’un de ses partenaires. En clair devenir une balance avec toutes les conséquences que cette entorse aux codes « déontologiques » des voyous entraîne.

Abandonné par son meilleur pote et harcelé de toutes parts, David doit sans cesse se planquer et fuir, tenaillé par une peur viscérale et offert à tous les coups.

 

Pour Aksel Hennie, présent aux postes de réalisateur, scénariste et acteur principal, Uno sert d’abord d’exutoire car l’histoire cabossée de David, c’est avant tout la sienne en grande partie. Comme toute première œuvre, à fortiori à haute teneur autobiographique, Uno veut signifier un maximum de choses dans un traitement souvent brouillon, qui n’évite pas certains écueils inhérents au climat même dans lequel il baigne. L’ambiance de Uno est donc essentiellement nocturne et glauque, éclairée par les lampadaires orange de la capitale norvégienne, à mille lieues de l’image aseptisée et tranquille qui lui est habituellement associée. Nous sommes plongés dans un univers masculin et hyper violent où tout se règle à coups de poings et de pieds. On sent que Aksel Hennie ne parvient pas à créer une distance suffisante avec cette violence latente et finit par afficher un certaine plaisir à la mettre en scène.

Aksel Hennie présente Uno comme un film humaniste, en choisissant de donner à son héros laissé pour mort au milieu d’une flaque de sang une seconde chance. Avant cette improbable rédemption, David aura eu à suivre son propre chemin de croix, balisé par les trahisons et les luttes contre ses peurs et sa solitude.

Malgré ses imperfections de jeunesse – musique lacrymale à fond, complaisance pour cet univers de bad boys à la fois violents et grand cœur, le personnage du jeune frère trisomique de David – Uno fait preuve d’une sincérité indubitable qui le dope de bout en bout.

 

Patrick Braganti

 

Drame norvégien – 1 h 39 – Sortie 10 Mai 2006

Avec Aksel Hennie, Nicolai Cleve Broch, Bjorn Floberg