musique

Hank Harry - Far from clever    

Dreamboy records /Distrisound – 2003

 

 

 

    Les francophones de Belgique connaissent bien Hank Harry. D’abord, il y eut les cassettes magnétiques qu’on s’échangeait à la sortie des concerts, en fac, ou dans d’obscurs festivals communaux et régionaux. Aucune maison de disque n’avait  pris le risque de donner une chance à un groupe dont le potentiel commercial ne sortait pas forcément des frontières. Puis, avertis des succès de Deus et dépendances, les labels se mirent à imaginer une hypothétique rentabilité belgo-belge qui fit mouche ou pas, selon les cas. Récemment, -mondialisation oblige- les maisons de disque hexagonales se rendirent compte qu’à défaut de vendre beaucoup d’albums d’un seul artiste, il était peut-être envisageable de vendre un peu moins d’albums, mais de beaucoup d’artistes, pour compenser. La brèche était entrouverte pour la Belgique musicale. Venus, Sharko, Dead man ray, et plus récemment Girls in Hawai… s’y sont engouffrés. Leur musique, universelle, passa enfin les frontières et démontra qu’il ne fallait pas être Belge pour apprécier leur talent.

A l’écoute de far from clever, et à l’aube d’un Printemps de Bourges qui les programme aux premiers bourgeons, Hank Harry  devrait (c’est un ordre !) suivre le même chemin.

 

    Ceux qui connaissent les home-made productions de Hank Harry ne seront pas ici en terrain inconnu. On y retrouve le même amour de Hank pour la pop et le bon vieux rock. Mais Hank Harry passe désormais à la vitesse supérieure. Il met de la chair sur les os de ses compositions. Il embarque avec lui les Lovely cowboys aka  Aurélie Muller, qu’on entend habituellement du côté de Melon Galia, et Thomas Van Cottom  batteur en retraite de Venus première mouture.

 

    Do you want to hear it, en intro de l’album, rappelle les entrées en matière de Spiritualized époque ladies and gentlemen… Mais ce n’est qu’une boutade, et  l’album enquille avec un turnaround taillé pour les radios  (et d’ailleurs récemment remixé par Dionysos). On imagine que le titre sera le fardeau de la formation d’ici quelques mois, comme le fut le she’s so disco de Venus en son temps. Mais pour le moment, pourquoi bouder son « power » plaisir énergique et entêtant, où se mêlent guitares disto et mélodica, dans un balais sautillant et jouissif. Hot summer se place dans la lignée déjantée d’un autre groupe belge trop tôt disparu :  Flower for Breakfast. Voix machiavéliques, ritournelles de trompettes, batterie toutes baguettes dehors… On en veut encore. Suit un Little love baroque, où la voix d’Aurélie, se fait contine et la musique se rend quasi absente dans la première partie, jusqu’à ce qu’advienne la grandiloquence de la guitare et du cuivre trombone qui clôturent la chanson. Enchaînement ensuite avec le très Deus-ien (ça y est, les magazines vont faire du rapprochement) et clair my clock Hank Harry teste sa voix de crooner en anglais, relayé par une brumeuse Aurélie, par quelques touches de xylophone et un duo langoureux de trompette et de saxophone. Assurément le plus beau slow de l’album. Anyway oscille entre rock presque glam et bizarroïderies pré-enregistrées. Hank pince sa voix et on songe malgré nous aux bons moments passés en compagnie de Zita Swoon (référence ! Encore une pour la presse hexagonale). Rêverie qui nous tient encore à l’écoute de far from clever dont le duo xylophone/ basse est l’arbre qui guide jusqu’à la forêt rock, aboutissement de la chanson. Lily of the valley cède au bidouillage électronique sur lit de trompette, pour un titre downtempo, presque mélancolique où Hank titille les inflexions basses, torturées. Timbre de voix qui demeure pour une ballade acoustique  et simplement belle avec sa guitare et ses timides incursions de clavier: So long co-signée Thierry de Brouwer aka Melon Galia. Melon galia, qui vient porter appui à l’instrumental Elephantine en la personne de Samir Barris joueur occasionnel de cornet. Suit ensuite la relecture agressive du calme my clock cité plus haut. Version nocturne du titre, les guitares y sont préparées à une soirée biture, les cuivres sont prêts à sortir, et il ne reste plus à Hank qu’à enfiler sa veste et plaquer sa ritournelle vocale sur le fil de la blague. Lendemain de fête qui déchante ensuite sur un go baby go  à la guitare, où Hank assène d’un voix de fausset, un go baby go comme on se servirait d’un instrument de musique à part entière. Gueule de bois aussi un peu, sur Spend the night oscillant quelque part entre les eaux de Spain et celles de Tom Waits. Le titre achève l’album sur une note de blues, où tous les acteurs saluent xylophone, guitare en larsen pleureur, trompette, cuivres, batterie, Aurélie… tous les comédiens viennent y exprimer leur regret de voir l’auditeur achever son écoute.

 

    L’évidence apparaît au premier silence consécutif à l’arrêt du CD. Certes le mix des titres a encore quelque soucis, certes on entend encore de ci- de là- que l’anglais n’est la langue maternelle d’aucun des musiciens… Pourtant, force est de constater que malgré ces inconvénients plutôt mineurs et une pochette pas franchement réussie, l’album parvient à bluffer les auditeurs en quête de rock mélodiquement pop, et provoquer chez eux une envie d’écoute quasi compulsive.

Il y a la matière à un album qu’on oublie pas.

Distributeurs français, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

 

Denis

 

http://www.hankharry.com