musique

The Fiery Furnaces - Gallowsbird’s Bark    1/2

Rough Trade - 2003

 

 

 

    Si la logique est respectée, que le grand-public et les radios continuent d’ouvrir un peu leurs oreilles trop longtemps bouchées, Gallowsbird’s Bark devrait avoir le même impact que White Blood Cells sur une communauté rock’n’roll qui va décidément d’électrochocs en coups de pieds dans le derrière.

 

    La comparaison avec les White Stripes n’est bien entendue pas innocente puisque The Fiery Furnaces se compose d’un duo de (vrais, eux) frères et soeurs, Matthew et Eleanor Friedberger. Ils sont eux aussi très probablement férus de blues lo-fi et de rock’n’roll minimaliste, mais les similitudes s’arrêtent là: alors que Jack White s’évertue (et avec quel brio!) à creuser le même sillon guitare-batterie toujours plus profondément, la fratrie Friedberger prend un malin plaisir à ne pas se laisser enfermer par sa logistique paupériste en faisant feu de tout bois. Conclusion, et quoiqu’on ait un peu pris la mauvaise habitude de galvauder l’expression, ce disque part véritablement dans tous les sens, et c’est rien de le dire: on a rarement entendu musique aussi fauchée, et pourtant aussi riche, aussi variée.

 

    Blues, pop, folk, cabaret, psychédélisme tout y passe, et même plus encore, concassé par le broyeur d’un minimaliste éclairé, et recraché avec une aisance absolument confondante (on a la curieuse impression à l’écoute de Gallowsbird’s Bark que ces 2 là pourraient nous sortir un album par semaine). Autre bon point: difficile lors de la première écoute de savoir qui de Matthew ou Eleanor tient le micro tant la voix est androgyne, mal définie (c’est en fait elle qui chante).

 

    Mais la véritable originalité des Furnaces vient de l’utilisation intensive d’un piano sautillant en contrepoint d’une instrumentation particulièrement brute et sauvage: mention spéciale aux guitares de récupération. Ils naviguent ainsi en permanence entre naïveté d’obédience pop: certaines mélodies, comme celle de Up in the North semblent avoir été dérobées au music-hall des roaring twenties et primitivisme rock comme sur Worry Worry, ou le très Robert Johnson We Got Back the Plague. Ajoutez à cela quelques pincées de psychédélisme malsain, à l'instar du très inconfortable et bien nommé Leaky Tunnel; et vous obtenez un disque absolument unique, puisant ses racines parfois très profond pour mieux inventer un idiome totalement inédit et atypique. Pour vous donner encore une idée plus précise, imaginez la rencontre dans un studio new-yorkais des Yardbyrds, de Jon Spencer  et de Ben Folds: ça fait du bruit et c’est joli en même temps, et surtout ça file une patate terrible. Addiction garantie.

 

Laurent