musique

My Morning Jacket - It still moves      1/2

Ato records - 2003

 

 
 

    Après l’éclosion des très photogéniques (et talentueux) Kings of Leon, on serait tenté de mettre la révélation de My Morning Jacket sur le dos d’une possible résurgence du rock sudiste cher aux Allman Brothers. Sauf qu’on ne peut pas parler de révélation en ce qui concerne le quintet du Kentucky, déjà auteur de 2 magnifiques albums et d’une honnête tripotée de singles et autres EP’s remplis jusqu’à la gueule d’inédits. Sauf que (bis) My Morning Jacket ne joue pas du rock sudiste. Ou pas seulement.

 

    Car si l’on retrouve bien régulièrement des bribes de cet irrésistible boogie rural tel qu’on le pratiquait aussi bien chez Creedence que chez Lynyrd Skynyrd, le groupe de Louisville a les idées beaucoup plus larges. On entend ainsi au détour de leurs gargantuesques compositions aussi bien de la pop céleste, du folk, de la soul, de la country que du psychédélisme. Autrement dit, Brian Wilson, Dylan, Al Green, Gram Parsons ou Wayne Coyne (Flaming Lips) : soit la crème de la crème du rock américain d’hier et d’aujourd’hui, recréée par 5 ahuris hirsutes de Louisville jouant avec l’innocence et la sincérité de ceux qui n’ont aucune idée de leur importance.

 

    My Morning Jacket est l’un des très rares groupes actuels agissant uniquement avec son cœur et ses tripes. La raison n’a rien à voir avec ses longues chansons irréelles aux paroles souvent imbitables et aux développements improbables : sur Dancefloors par exemple, on n’a aucun mal à passer d’un entrelacs de guitares graciles à des riffs stoniens en un clin d’œil. De la même façon, sur Run Throu un intermède quasi-électro vient s’inviter sans crier gare au beau milieu d’une complainte éthérée.

 

    Et ça a du bon : leur musique est à la fois incroyablement concrète en raison de l’enracinement dans des références terriennes omniprésentes, et absolument surréelle en raison d’une grande liberté de mouvements et surtout d’une reverb’ omniprésente. Selon le chanteur Jim James : « je n’ai pas envie de chanter comme un type normal, je veux qu’on puisse penser que je suis un Martien ».

 

    Mais on aura beau écouter ce disque 200 fois – et il faudra bien ça pour en épuiser toutes les richesses – My Morning Jacket donnera toujours l’impression de jouer « live from la grange de la ferme familiale » : MMJ est un groupe bouseux, un vrai. Lorsqu’on entend leur musique, on n’entend pas un groupe de rock, mais plutôt des types heureux de se retrouver et de jouer ensemble : d’où l’aspect « jam session » de bon nombre de leurs chansons, excédant aisément les 5 minutes avec des intros plutôt longues. Cette musique évoque irrésistiblement un clair de lune bienfaitrice sur les champs de blé ou mieux encore, un lever de soleil lourd de promesses miraculeuses. D’ailleurs leur précédent album s’intitulait At Dawn ( Au lever du jour) et ça n’était certainement pas un hasard. Alors lorsque une ultime pépite acoustique (One in the Same) que l’on jurerait chipée aux riches heures de Neil Young vient clore ce voyage en americana, on sait qu’il est maintenant l’heure de fermer les yeux dans une nuit noire qui ne durera pas vraiment.

 

Laurent