musique

Mathieu Boogaerts - 2000 

Tot ou tard/ Warner- 2001

 

 

 

    Un nouvel album de Mathieu Boogaerts c’est toujours un brin de nostalgie qui arrive sur le lecteur CD. On se remémore comment on l’a découvert, un dimanche après midi, à Lille. On se rappelle comment cette musique toute en finesse, jouée avec le touché jazzy et romantique du sus-nommé accompagnait bien les oreilles encore sifflantes de la veille, et le salutaire ballon de rouge qui apaisait les maux de tête et l’excitation de la soirée précédente. On se rappelle comment ses paroles avaient enflammé les étudiants de lettres que nous étions encore, mélange d’humour d’ironie et de naïveté presque candide. On se rappelle aussi comment Mathieu est devenu, en l’espace d’un album à la pochette étrange et un concert bruxellois où l’univers scénique était presque aussi important que sa facilité à toucher le public peu nombreux, l’ami de la famille. Celui qui était capable de parler du quotidien en y insufflant juste ce qu’il faut de poésie presque niaise. La vie était belle même quand elle ne l’était pas. On se souvient qu’on a fait découvrir de Mathieu à l’élue de son cœur, quand tout allait bien, la vie rose et le couple encore enfantin. On se souvient que Boogaerts passait nous voir, avec un deuxième album plus largement énergique, plus ample et un peu moins sincère aussi, le samedi ensoleillé, au salon ; quand nous étions juste satisfaits de buller à deux. Je regrettais que la technicité du joueur et l’exhaustivité de la production vienne ternir la simplicité immédiate du premier album. Trop enjoué peut-être aussi. Mon amie ne disait rien. Elle profitait. On a retrouvé Mathieu sur une scène liégeoise, en trio batterie guitare contrebasse. Il plaisantait avec le public venu le voir jouer, tout de vert vêtu, il reprenait façon reggae, jazz, voire afro certains des titres de son album. C’était bien.

 

    Puis on a grandi, un peu. Les chemins du bébé couple se sont séparés. Et Mathieu vint une fois de plus ponctuer ce nouveau départ, avec un troisième album plus mûr lui aussi. Ici, les textures et sonorités qui paraissaient un peu trop empressées, exagérées ou grandiloquentes sur le second album, prenaient enfin leur marques, leurs repères sonores et musicaux. Les textes aussi, retrouvaient naïveté et profondeur comme sur le premier opus. On retrouvait tout ce qui avait fait la spontanéité du premier et tous les enseignements techniques du second opus. Seuls les thèmes peut-être témoignaient que Boogaerts aussi, comme nous, avait grandi : Rupture et hésitation au mariage sur Las vegas, départ définitif d’un ami Dom, Installation et rêves de marmaille sur le ciment ; retour de l’être cher sur le brillant l’espace. Mathieu Boogaerts y explorait les thèmes chers aux presque trentenaires que nous devenions. On y retrouvait les rythmes du premier opus en guise de squelette et l’ampleur du second album en guise de chair (production, drelins, rythmique africaine..). Les textes, plein de vérité, forcément nous touchaient… Au cœur, un peu endolori d’avoir à vieillir.

 

    Et on s’est rendu compte qu’on ne serait plus jamais vraiment objectif en parlant de Mathieu Boogaerts, parce que son parcours discographique, fait de hauts et de demi-bas, c’était notre vie aussi … un peu.

 

Denis