musique

Blues Explosion - Damage   

Sanctuary Records/Labels - 2004

 

 

 

    Ouvrir un album de Jon Spencer Blues Explosion, euh, Blues explosion (depuis le recentrage autour de la « formation » qui a eu pour effet, selon les intéressés, de ressouder le groupe autour du projet), c’est un peu comme tourner la clé d’un cube de farces et attrapes… le Zébulon new-yorkais lové autour de son ressort vous saute à la gueule:  Orange, ou pas: plastic white fang. Entraînant, selon les causes de plaisir de l’auditeur lambda, la satisfaction ou la demi défaite. Et pour votre serviteur, le Damage 2004 fait office de bonne détente du ressort. Une bonne décharge d’adrénaline qui vous prend dès la première seconde de l’album pour ne nous lâcher que quelques 40 minutes plus tard. Ceux qui auront découvert JSBE aux environs de 1996, à la sortie du lo-fi mais tellement tonitruant now i got worry, sont en droit de se réjouir … et de craindre le pire tout à la fois.

 

    Craindre d’abord. Minime certes, et finalement peu contraignants à l’écoute de l’album, on repère en filigrane de Damage,  les tics omniprésents sur les deux précédents opus des trublions de la Grosse Pomme: une production superbement construite, un entrelac sonore millimétré au service de la mélodie « fil rouge » très pop, un son sale mais bien trop propre sur lui pour être honnête, des compositions taillées pour plaire aux pouilleux comme aux fils de bonne famille…  Le tout cumulé à une nette propension à faire la hype et à entretenir un certain buzz de chef de file, comme en témoignent sur cet album les participations / cautions des « trendy » Dan the Automator, Alan Moulder, DJ Shadow ou encore Steve Jordan (dont on peine à retrouver les pattes respectives). Attitude d’autant plus décevante qu’il fallait se casser le cul un minimum dans le grand foutoir originel, sans caution morale ni de mode, pour y trouver ses perles. De ce formatage naît aussi la possibilité, à terme dans quelques albums, de se parodier soi même. D’être coincé, obligé de faire du Jon Spencer.

 

    Se réjouir ensuite :  parce qu’aux contraire du super clean Acme, album  qui laissait présager une évolution du groupe vers moins d’énergie, de raclements, de rage et de « grand n’importe quoi »… Au contraire de la tendance à plus de classe, d’ampleur, dans la démonstration de ré-appropriation arty, des racines du blues et du rock;  à l’œuvre dans un trop bien foutu mais sans âme plastic white fangDamage revient enfoncer le clou des aventures passées , retranche la veine qu’on croyait définitivement cicatrisée : damage, burn it off, ou Mars, Arizona, Help these blues, sont les brûlots de Jon spencer et sa clique que peinent à nous servir la kyrielle de groupe en the de ce début de siècle. On jubile. Et puis parce Damage innove. Le Blues explosion semble vouloir élargir le cadre de la redite ou de la ré-appropriation. Il s’en va taper vers d’autres styles à peine effleurés par le  passé : l’ampleur psyché sur Rivals et les backings sur spoiled, le groove funk dans Crunchy ou mêlé de rock couillu sur Fed up and low down, le hip hop fun lovin criminalien  pour hot gossip, les golden fifties avec rattling qui innove aussi du côté des expérimentations sonores, les références aux sixties pop enfin sur Blowing my mind. Excusez du peu.

 

    Entre imperfection, tics sans outrance et jouissance à l’état pur, il serait stupide de renier le plaisir primal procuré par l’écoute de l’album. Le blues explosion nous livre l’opus rock pur et simple, qu’on attendait cette année. Entre une tradition faisant déjà partie de la mythique spencerienne et un évocation de genres nouveaux pour le groupe, Blues explosion nous concocte une leçon de rock and roll: mélange d’hormones, de démangeaison, de tradition musicale et d’originalité. On en reprendra bien une petite tranche. Miaaam !

 

Denis Verloes

 

Tracklist:

01. Damage
02.
Burn it off
03. Spoiled
04. Crunchy
05. Hot gossip
06. Mars, Arizona
07. You been my baby
08. Rivals
09. Help these blues
10. Fed up and low down
11. Rattling
12. Blowing my mind

 

durée : 39'55

date de sortie : 29 septembre 2004