musique

Devendra Banhart - nino rojo      1/2

XL recordings/Beggars - 2004

 

 

 

    Il a le poil long et dru (y compris sur le visage, les spécialistes appellent ça une « barbe »), il n’est pas rare de le voir se produire sur scène assis en tailleur, et il ne fume probablement pas que du tabac. En d’autres mots, Devendra Banhart marque le grand retour d’un folk artisanal et profondément hippi. On est assez loin des enluminures pop d’un Elliott Smith, du crossover electro très hype (quoique excellent) d’une Feist, ou même du paupérisme d’un Bill Callahan (Smog). Ici, les instruments sont régulièrement désaccordés, les enregistrements faits un peu à l’emporte-pièce, et surtout, on revient à l’esprit originel, aux racines mêmes du genre.

 

    Ca vous rappelle quelque chose ? C’est normal vous l’avez (peut-être) lu ici même il y a quelques mois à propos de Rejoicing in the Hands, le deuxième album de Devendra Banhart. Tout ça pour dire, non pas que je suis une feignasse qui recopie ses propres chroniques, mais que Niño Rojo constitue la copie conforme de son prédécesseur. Sauf que non, pas tout à fait.

 

    Une première écoute inattentive peut délivrer cette sensation que Banhart cède déjà à la facilité, duplique une recette gagnante, s’endort sur son tapis afghan. Niño Rojo prouve en revanche sur la longueur que le bonhomme sait très exactement ce qu’il fait et qu’il est sans doute moins dilettante qu’on ne veut bien le croire. On réalise ainsi que si tous les titres ont été enregistrés lors des mêmes sessions que Rejoicing in the Hands, leur singularité et leur différence démontre que leur auteur envisageait très probablement déjà de les placer sur un autre album. Niño Rojo offre un son plus naturel encore,  vecteur puissant de ce mysticisme un peu païen et animiste dont il s’est fait le plus beu chantre : voir les bestiaires qu’il convoque régulièrement dans ses paroles.

 

    Surtout, ce disque apparaît comme la quintessence de son style à la fois extrêmement instinctif et érudit : s’abreuvant d’égale manière aux sources du blues du Delta, du folk anglais, des comptines pour enfants, du musi-hall américain, il invente pourtant pratiquement un nouveau style charmant et inquiétant, abstrait et charnel. Il s’appuie pour cela sur un jeu de guitare absolument éblouissant et unique (même si on peut songer à un Nick Drake excentrique) le plus souvent en fingerpicking (il est néanmoins remarquable lorsqu’il manie un style différent comme sur An Island) et bien entendu sur une voix reconnaissable entre mille, qu’on pourrait qualifier d’ « expressionniste rurale ».

 

    Mais on ne sait véritablement ce qui impressionne le plus chez lui : cette grâce irréelle qui nimbe toutes (TOUTES) ses chansons ? Les images surréalistes que ses paroles matérialisent ? Cette musique comme en train de se faire devant nos yeux ? Ou peut-être ce sentiment qu’il pourrait nous sortir 15 albums de cet accabit chaque année tant son art semble facile et naturel ? Espérons simplement pour cela que la hype qui est en train de naître sur son nom ne l’affecte d’aucune façon…

 

Laurent Garcia

 

Tracklist :

01. Wake Up Little Sparrow

02. Ay Mama

03. We All Know

04. Little Yellow Spider

05. A Ribbon

06. At the Hop

07. My Ships

08. Noah

09. Sister

10. Water May Walk

11. Horseheadedfleshwizard

12. An Island

13. Be Kind

14. Owl Eyes

15. The Good Red Road

16. Electric Heart

 

date de sortie : 27/09/2004

 

Plus+ :

http://www.xlrecordings.com

http://www.younggodrecords.com