musique

Dave Gahan - Paper monsters    
Mute/labels - 2003  

 

 

 

    En musique, on se rend compte qu’on vieillit quand deviennent cultes les groupes de notre jeunesse. On prend un coup de vieux quand une nouvelle génération de musicologues s’approprie les groupes qui ont animé nos soirées. Ainsi va Depeche mode qui se hisse sur un nouveau piédestal d’emblème pop électronique des années 80, tandis qu’une génération de DJs redécouvre le son  de cette période.

 

    Alors, quand Dave Gahan, chanteur de la formation mythique se pique de fournir l’album solo qu’on le sait ruminer depuis près de 20 ans, l’événement se crée et tout le monde attend avec plus ou moins de ferveur les exploits du plus célèbre revenant des affres de la drogue et des excès du show business. Le plus solide emblème des eighties aussi. Et comme l’album sort presque en même temps que Counterfeit 2 de Martin Gore, guitariste, clavier et tête pensante auto-proclamée de Depeche mode, on imagine une certaine rivalité entre les deux musiciens.

 

    Mais de rivalité on n’en retrouve pas l’ombre sur ce Paper monsters de très très bonne facture. Tandis que Martin s’en va prouver à la face du monde qu’il est capable d’explorer les pénates d’autres compositeurs sans verser dans le cliché Modien, Dave Gahan explore quant à lui un univers assez proche de celui du groupe où officie sa voix, mais différemment, comme ferait un voyageur qui déciderait de se rendre au même lieu de villégiature que chaque année, mais en empruntant cette fois les départementales pittoresques en lieu et place des habituelles voies rapides à péage. Deux acteurs, deux projets diamétralement opposés.

 

    En compagnie d’un Knox Chandler inspiré dans le choix des nappes de guitares mâtinées d’ambiances synthétiques en demi-teintes, et sous la houlette du producteur Ken Thomas aperçu récemment derrière les manettes de Sigùr Ros ;  Dave Gahan prouve à la face d’un monde dubitatif, qu’il n’est pas qu’un instrument de plus au sein du Depeche Mode géré par un tout puissant Gore.

 

    Dave nous chante un univers fait de ballades émouvantes chargées du blues de mort-vivant. Il nous sert par les chemins de traverse, l’électronique urbaine qu’on pensait réservée à Depeche Mode et les sentiments personnel du chanteur porte-voix de son propre cœur. Oscillant entre coups de gueule aux accents pop/rock rageurs et sentiments voilés lancés à la face du monde à demi-mots, à coup de douce et lente mélancolie, Gahan nous ouvre les portes de son univers.

 

    Ici, les rôles sont inversés : l’électronique sert les montées de grosses guitares grasses et ambitieuses et non l’inverse. Ici, c’est le mélange entre guitares amplifiées et musique synthétique qui donne une couleur particulière à la voix de Gahan –entre Tenor et chanteur pop- et non sa voix qui rend l’électronique un peu plus humaine.

Les dix titres qui composent l’album se savourent comme la lecture d’un bon roman, et jamais un titre comme Goodbye  n’a aussi bien clos une histoire musicale. A reculons et plein d’humilité, l’ami Dave nous quitte après nous avoir livré son cœur.

 

    Paper monsters est une démonstration étonnante de capacité et de sentiments. Dave Gahan vit, il nous le démontre de somptueuse façon. Dave Gahan crée et n’est pas qu’un interprète efficace. Dave Gahan n’a pas/plus besoin de Depeche Mode pour exister. Paper monsters est la première ligne de son CV personnel et un appel du pied à son compère Gore : il est peut-être temps de lui laisser l’espace créatif et les initiatives qu’il réclame, sinon, l’étendard des eighties pourrait bien avoir à se chercher une nouvelle voix.

 

Denis