musique

IAM - saison 5

Polydor/Universal

[4.0]

 

 

On a bien failli passer à côté du nouvel opus de IAM. C’est d’ailleurs sans doute un des effets pervers du retour du rock mélodique et des productions hip hop de Timbaland, Neptunes et consorts. En fait on a plus trop l’habitude d’un disque de Rap qui jase, d’une production hip hop qui revendique par les mots, une galette où le flow n’est pas qu’une rythmique, qu’un gimmick, mais sert de vecteur aux idées. On est plus habitué à une certaine tradition française, qui de Barbara à Ferré, use de la musique pour passer des idées, des images, des messages autres que sa liberté de penser du mal du fisc ou sa revendication de dur à cuir né en cité, « parce que c’est la jungle gros, et moi j’y suis un piranha ». Du coup une première écoute, nous avait fait juger saison 5 de la sorte : « tin ça parle trop c’talbum. Sont où les gimmicks marseillais ? ». On a pris, depuis, le temps de se poser pour réécouter l’album et évaluer l’inavouable bêtise d’un premier jugement hâtif.

 

Parce que le nouvel IAM c’est justement ça. Un album qui parle. Comme le new whirl odor de Public Enemy paru en 2006 parlait. La précision d’une production musicale réduite à une bien plus simple expression que revoir un printemps. L’urgence d’un album emballé en moins de trois mois. La pertinence d’un disque qui dit ce que voient une poignée de quasi quadragénaires, nés dans un des ghettos hexagonaux, mais ne le revendiquant pas comme un art de vivre. Des parents inquiets face une politique qui a oublié que le black blanc beur de 98 n’est pas ou ne devrait pas être qu’une jolie image pour la coupe du monde. Un album qui raconte une famille de musiciens et de créateurs unis autour d’un art de vie, d’un style et d’une identité musicale. Une famille soudée contre une certaine vision du monde, un clan qui fait front pour montrer que malgré les années de présence dans le paysage, les rois de la planète Mars n’usurpent pas leur trône.

 

Du coup, on est effectivement un peu surpris à la première écoute. Akhenaton et Shurik’n tiennent le crachoir de manière logorrhéique. On se dit que la saison 5 de la série IAM sera celle contenant le plus de mots, des introspections et l’avènement du sentiment. On n’a pas tout à fait tort. Chill parle d’un alter ego qui flippe le gun dans le sac, avec la peur des représailles sur sa moitié. Shurik’n s’invente travailleur immigré épris d’une jeune fille bien de chez nous. Mais aussi et surtout IAM fustige une politique qui semble oublier la différence, ou ne la voir que quand ça arrange. Sur offishall et ça vient de la rue, singles probables (ou en tout cas futurs cartons sur Itunes), le discours est clair direct et sans fioriture. Il existe une autre France, qui monte, qui monte ; soutenue par des rythmiques simples et des samples discrets mais quasi martiaux (on songe à quelque relecture des premiers Wu-tang passés à la moulinette de l’ordinateur). Ce sont d’ailleurs ces deux titres, immédiatement fredonables, qui nous rappellent et démontrent que le flow de IAM ne serait rien sans la capacité de son homme de l’ombre à fourbir des armes sonores au moins équivalentes à la qualité des mots. Tout l’album est à l’avenant : subtil mélange de propos non politisé mais éminemment idéologique et de loops efficaces mais discrets.

 

Y’a pas à dire, notre première écoute nous a pris en traître, comme un mauvais spoiler de série culte chopée, avant diffusion, sur le net. Une vision déformée, irréelle et nous gâchant même un peu les effets de surprise. Parce que la saison 5 de IAM est un des sommets de la série. La saison précédente nous laissait un effet de surenchère de l’esthétisme, soit des épisodes très bien torchés, mais un peu moins tendus. La nouvelle saison nous plonge directement dans l’âme des protagonistes, au plus près de leur ressenti. La caméra sonore suivant cette volonté au plus proche. Le cadreur bouge un peu oui, mais le producteur s’en moque. L’importance ici c’est l’humain, et ce qu’il a à dire, à faire, à expliquer, à démontrer par le rap. Saison 5, une grande année.

 

Denis Verloes

 

Tracklist

01. W.W.

02. Une autre brique

03. Hip hop ville

04. Tu le sais

05. Offishall

06. Nos heures de gloire

07. Ca vient de la rue

08. To the world

09. Le style de l’homme libre

10. Rap de droite

11. Il en faut peu

12. Si tu m’aimais

13.Sur les remparts

14. Rien de personnel

15. Coupe de Cake

16. Au quartier

17. United

 

Durée : 66’ 00’’

Date de sortie : 2 avril 2007

 

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