musique

Sarapascal- s/t

Autoproduit/Les éditions de l’anonyme

[4.0]

 

 

    Dans le genre de « ces disques qui remettent la notion même de pop ou de rock en question » voici venir Sarapascal. Et décrire l’album comme une « narration cinématographique », semble finalement la meilleure solution, tant il est difficile de décrire l’OMNI (objet musical non identifié) qui tourne sur notre platine. No Rock, no slam, no littérature, peut-être aussi un peu. Mais des images, surtout. De celles peut-être qu’on n’a pas envie de voir, que personne n’a envie de se mettre à filmer; au pouvoir d’évocation pourtant étonnant.

 

    Benoît Verhille aka Sarapascal, jette sur une toile sans bord, sans cadre, sans haut ni bas, l’évocation des mots qui arrivent à nos oreilles dégagés de leurs ornements langagiers. Tours et détours du monde, alcoolisme, politique, amours flétries, quotidien désuet, abscond, viennent s’y entrechoquer, nus, sales. Petit univers psalmodié d’une voix monocorde et aussi macabre que la réalité le permet. Soudain, Zoé Valdes ou Bukowski en émergent et plombent plus encore le propos. Plus que les termes, c’est l’effet produit jadis à la lecture de leurs livres, qui nous file des frissons, quand ils nous sont ainsi jetés aux oreilles. Y a-t-il encore un peu d’air dans le monde de Sarapascal ? On y suffoque. On s’y sent mal à l’aise. Peut-être parce que dans ce miroir dépoli, malpoli, on trouve réunis la clique de nos vieux démons. On se rappelle l’album de Houellebecq. Ses présences humaines… On se rend compte qu’à l’instar de sa littérature, l’écrivain ne faisait qu’y ébaucher un monde, un mode de pensée, de parole et de style, qui se décline, s’approfondit ailleurs avec encore plus de marne de boue, de glue, de fange. Verhille passe maître dans l’absolue présence par le retranchement absolu de l’identité, du personnage, du narrateur.

 

    Musicalement, les sonorités rock façon Programme ou les élucubrations techniques d’un Arca en pleine gueule de bois semblent les meilleures comparaisons possibles. Si tant est que meilleur ait un sens dans le monde de Sarapascal. "Transcrire la musicalité aux interstices des mots et de leur évocation" ainsi se décrit l’auteur. Ainsi on se rend compte que l’artiste maîtrise ses desseins et la structure du projet.  Sa voix grave et monotone en est le fil rouge sombre.

 

    Et même si on sait que ce n’est pas le genre d’album qu’on a forcément envie de voir revenir sur notre platine pour les écoutes du dimanche, on salue l’exercice de style et la forme réussie d’art du néant. On range l’album rouge à côté de la bouteille de gnôle, dans le tiroir d’alcoolique. On y reviendra, peut-être, un jour, quand on aura lâché prise et envie de plonger ou replonger.

 

Denis Verloes

 

Tracklist

01. Ivre d’hiver comme d’été

02. Arabesque

03. Cycle de cercles

04. La vie est belle

05. Les mots

06. Boire

07. Love

08. Bounce to M.L.

09. ?

 

Durée : 30'05

Date de sortie : mai 2005

 

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www.sarapascal.com

Ecouter Bounce to M.L.