musique

Stafrænn Hákon - ...skvettir edik á ref

Resonant/La Baleine – 2003

 

 
 

    Petit manuel de mélancolie enneigée. C’est le sous-titre qu’on pourrait donner à l’opus de Olafur Josephsson aka Stafraenn Hakon. Islandais, Hakon cultive dans sa musique une tristesse faite de neige fondante et de mousse qui recouvre jusqu’à la très belle pochette de l’album. LP diffusé largement par le label Resonant après une sortie en catimini confinée aux rives de l’île du nord. Un nouvel album devrait d’ailleurs atteindre nos oreilles début 2004 .

On a appris à connaître l’Islande musicale, dans les années 90, au travers des travaux de Sugar Cubes, Björk et Gus Gus… On a découvert au début de ce nouveau siècle, que l’électronica n’était pas le seul fer de lance de cette scène  musicale, quand sont arrivés, sur les platines, les très langoureux et éthérés albums de Sigùr Ros. Stafraenn Hakon place son essai dans la seconde catégorie de représentants de l’île.

 

    Plus mélodique ou cyclique que l’illustre formation Sigùr Ros, Skvettir edik a ref est surtout moins expérimental et « arty ». L’album puise dans les cendres du post rock la capacité à traduire en de longues plages aériennes, les états d’âme de Josephsson, au diapason du paysage de son pays d’origine (la récente migration de l’homme vers Edinburgh est-elle présage de nouvelles influences dans la musique de l’homme ?). Plus mâture qu’un Mogwai par exemple, moins revendicatrices et enragées surtout, les compositions de Stafraenn Hakon sont faites de douce tristesse, de désolation, de vents froids ou humides, de terre sombre et d’apparents regrets.

 

    Difficile d’extraire un titre plus qu’un autre dans ce continuum temporel et musical que forme Skvettir edik a ref. On entre par hasard et presque à reculons dans son univers, et on finit par se sentir presque impoli de quitter l’hôte avant d’avoir bu son histoire sonore jusqu’à la dernière note.

Progressant en spirale, l’album s’invite par quelques arpèges de guitare folk : d’abord amplifiée puis légèrement distendue. On repère ensuite un souffle d’enregistrement trop présent pour être fortuit. Suit un larsen, poursuivi par quelques notes de piano midi, ou de balalaïka électronique, qui étoffent progressivement chacun des morceaux d’histoire que le disque se plait à nous raconter. Le duo basse-batterie reste toujours au second plan, sorte de battement de cœur, de rythme sous-jacent à tout l’album. Ingrédients majoritaires de ces dix plages, ils ne nous quitteront plus; imprimant dans notre (vague à l’) âme les images que l’auteur tend à nous suggérer. L’hypnose est le point fort de cet album efficace. Progressant par pallier dans l’univers de son auteur, l’auditeur est totalement envahi par ce maëlstromm sonore qui réussit à transmettre les sensations et les images que le musicien cherche à partager avec son public.

 

    Voie médiane entre Mogwai et Sigùr Ros, Stafraenn Hakon ne se pose pas en grand rénovateur d’un genre désormais largement représenté. Pourtant, à force d’artifices musicaux en forme de regard hypnotique, il réussit à nous introduire au beau milieu de son univers mélancolique et accidenté. Sans aucune autre prétention que de partager sa mélancolie. Et il atteint son objectif, avec la plus grande humilité.

 

Denis