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musique

Gorky's Zygotic Mynci - sleep/holiday   

Sanctuary - 2003

 

 
 

Ca fait plus de 10 ans et 8 albums que ça dure mais rien n’y fait, pas même les chefs d’œuvre alignés aussi implacablement que les moutons dans un pré gallois : le monde se fout royalement de Gorky’s Zygotic Mynci. Et eux n’ont pas l’air de lui en tenir rigueur, qui continuent à jouer pour leur simple plaisir et pour leurs quelques fidèles fans, et qui sortent leur meilleur album depuis le dernier et jusqu’au prochain. Soit du folk-pop rural anglais et incroyablement naïf, mâtiné d’un psychédélisme ludique et tranquille.

 

Pour ceux qui en seraient restés à la pop excentrique de Barafundle ou Patio Song : l’esprit est toujours le même mais on est désormais assez loin de ces premiers enregistrements barrés, quand ils n’avaient pas peur de fondre 3 chansons en une et apparaissaient volontiers habillés comme des druides sur les photos de presse.

 

Plus le temps passe, et plus leur musique s’adoucit, même si on a droit à une jolie poussée de fièvre sur Mow the Lawn, qui dit exactement ce qu’il veut dire (tonds la pelouse !). Plus le temps passe et plus les Gorky semblent seuls au monde. Plus ils sont seuls au monde, plus leur musique est belle, fondamentalement belle : c’est tout bête mais on ne trouve pas d’autre mot pour définir cette musique simple et pure, qui ne connaît ni calcul, ni distance.

 

On entend ici à n’en pas douter ce qui se jouait dans le Village Green imaginé par Ray Davies, à ceci près que Daisy n’épouse plus le fils de l’épicier, et que Walter reste pour toujours l’ami qui fumait des cigarettes derrière le préau de l’école. GZM joue la bande-son d’une campagne idéalisée, d’une perfection pastorale tout droit sortie des romans de Thomas Hardy (la douleur en moins) : ici les filles vous terrassent de leurs simples Eyes of Green, Green, Green, et on n’aspire qu’à une chose, contempler la lumière du jour sur le rivage désert et se retrouver entre amis autour d’un air antédiluvien.

 

Pas de méprise pourtant : aucune tentation folklorique ou traditionaliste ici (ils ne chantent d’ailleurs plus en Gallois depuis 2 albums), aucuns clichés hippie sentant le patchouli, Gorky’s Zygotic Mynci est un groupe pop entiché de folk. Ils sont cette formation rêvée par tous les amateurs de chansons dignes de ce nom, capable de vous envoyer dans les étoiles et de vous faire sangloter en même temps, sur une seule mélodie ou harmonie. Il se dégage de leurs disques une chaleur, une joie et une mélancolie extrêmes auxquelles rien que ce que nous connaissons sur la scène musicale actuelle ne nous habitue plus. Ils semblent être en quête de toujours plus de pureté, tant dans l’instrumentation utilisée que dans les sentiments évoqués (Happiness, absolument déchirant).

 

La fin de l’album quitte d’ailleurs quelque peu les rivages de leur propre influence et confine quasiment à l’abstraction : ce Pretty as a Bee de 9 minutes construit patiemment une extase planante qui n’aurait pas dépareillé sur Dark Side of the Moon. Et lorsque Red Rocks s’achève timidement, on sait qu’il nous faudra attendre leur prochain album pour à nouveau entendre un recueil de chansons d’un tel niveau.

 

Laurent