musique

Jackie-O Motherfucker - The magick fire music/ Wow! 

ATP Recordings - 2003

 

 

 

   

    Jackie-O Motherfucker a débuté sa carrière musicale en 1994 sous la forme d'un duo américain. Le multi-instrumentiste Tom Greenwood (guitare, platines, percussions...) et le saxophiniste Nester Bucket décidèrent de joindre leurs talents respectifs en distillant de savants loops de cassettes au beau milieu de leur rock guitare-saxophone de facture assez classique. Depuis lors, ils n'arrêtent pas de tourner de Portland à Baltimore et New York, embarquant au passage une quirielle de musiciens dans un projet à géométrie variable. De cet art de vivre, sont nés 5 LP's un EP et même, summum de la technologie pour ces amateurs de cassettes: 2 CD's. La description succinte de la genèse du groupe rappelle, de loin, les aventures de Godspeed You Black Emperor! ou des gallois de Mogwai. Et cette ressemblance permet de classer Jackie-O au rang des groupes qui portent désormais le nom de post-rock. Hormi cette géométrie variable, ce n'est sans doute pas sans raison non plus, que Jackie-O a assuré la première partie des concerts américains de GYBE. Post rock donc.

 

    "Un de plus" êtes-vous tentés de répondre avec ce petit soulèvement des épaules, caractéristique de ceux qui passent à autre chose. A moins que vous ne soyez inconditionnels du genre. Auquel cas, vous risquez de vous être déjà procuré les vinyls du groupe. Suspendez un instant vos épaules, et tendez l'oreille. Jackie-O risque de vous prendre par surprise. Le double album, version digitale d'un vinyl pressé en 2001, nous a cueilli au boulot. Quelque part à 17h00 devant l'ordinateur. Le chef de service venait de sortir, emportant avec lui ce subtil mélange d'incompétence et d'exhubérence qui nous rappelle chaque jour que le travail ce n'est pas la santé. Enervé par quelques mots balancés au visage nous forçant à reprendre trois heures de travail à zéro, nous avons glissé le disque et enfilé notre bon vieux casque audio. Subtilement, Jackie-O a réussi à nous entraîner ailleurs.

 

    En douceur, avec une économie de sons et de moyens qui étonnent, The magick fire music nous invite à grimper dans une vieille fourgonnette toute pourrie, avec des types aux t-shirts pas nets. L'album nous emmène en voyage dans les plaines désertiques du far-west. La mécanique est bien rodée, même si on se demande comment le véhicule tient encore ensemble. Chaque titre nous plonge un peu plus profond dans un univers cinématographique aride, anonyme, presque mort. Presque . Car la fourgonnette s'arrête bientôt dans une ville fantôme. Là nous attend un pompiste jeune et bedonnant sous sa salopette. Il joue de la Fender Stratocaster. Deux accords, en continu répétitifs, seuls, et distendus par la pédale d'effets. Le film continue, la musique caresse et le fourgon repart. Sans nous. L'effet sonore du disque correspond aux focus que notre regard accomplit dans toutes les directions de cette ville sans âme. L'album nous prouve que nous n'aurions pas du avoir confiance en des conducteurs de "van" qui ne portent pas un T-shirt propre. Nous voici seuls au milieu de nulle part, avec un album tendu et cinématographique en diable. Le type bedonnant s'approche de nous. Il quitte le film de Hal Hartley dans lequel on se rappelle l'avoir vu jouer. Il va nous parler. "Dis-moi, cette commande, c'est pour aujourd'hui ou demain?". Les dix titres du double album sont achevés. Le gros jeune a disparu. Le fourgon, le désert et les musiciens aussi. Il ne reste qu'un chef de service pivoine, qui nous a surpris en pleine rêverie. Nous regardons le double album.

 

    Jackie-O ravira les convertis. Les hausseurs d'épaules quant à eux se verront fort dépourvus quand un gros jeune homme, joueur de guitare, sera venu.

 

Denis