roman

Jean-Philippe Blondel - 1979    1/2

Delphine Montalant - 2004

 

 

 

    Dans son premier et remarqué livre : Accès direct à la plage, Jean-Philippe Blondel tissait une toile sur plusieurs années autour d’une vingtaine de personnages partageant notamment les mêmes lieux de villégiature, soit de petites stations balnéaires.

 

    Sur un mode similaire : le roman dit choral qui met en présence et en connexions plusieurs personnes, l’auteur a choisi cette fois de se concentrer sur quelques habitants d’ un quartier d’une ville soudain décontenancés par l’apparition d’un graffiti sur le mur d’une propriété. Celui-ci est juste composé de quatre chiffres à la peinture rouge formant une date : 1979.

Une année lourde de sens, de souvenirs pour la plupart des protagonistes du roman qui s’expriment tout à tour en des monologues, sortes de réflexions à eux-mêmes ou de propos déclarés à une tierce personne qui pourrait être l’auteur. Nous n’en dirons pas davantage, car il faut préserver la découverte et l’imprégnation progressives. Lire 1979 d’une traite (170 pages le rend possible) est le meilleur conseil à donner.

Il est frappant de retrouver ici tout ce qui a fait le charme du premier ouvrage de Blondel. Même si l’intrigue se double d’un jeu façon Cluedo, puisqu’il y a un vrai mystère sur l’identité du graffiteur qui plane tout au long du livre, il n’en demeure pas moins l’extraordinaire talent à planter en quelques lignes le décor d’une vie. On reste de nouveau émerveillé par la capacité de Blondel à se fondre dans la peau de tous ses personnages : hommes ou femmes, jeunes ou vieux, heureux quelquefois ou malheureux le plus souvent.

Bien sûr, d’aucuns émettront des réserves quant au style ou à l’aspect un peu trop fabriqué, artificiel de ces histoires. Quelque part, pourrait bien poindre l’idée d’un faiseur certes talentueux, mais faiseur tout de même. Blondel, me semble t-il, n’est pas à jauger sur ce type d’arguments.

 

    Le problème, et ce n’en est certes pas un évidemment, c’est ce que dégage et exprime 1979 et qui personnellement me séduit, et va même dans les dernières pages jusqu’à me bouleverser. Comme l’avait fait il y a quelques années un autre auteur également décrié et accusé de facilités : Jean-Claude Izzo dans Le soleil des mourants.

Pourtant, je reste persuadé que ces deux-là, au moins unis par la connaissance du genre humain qui se traduit en optimisme tendre et en pessimisme ironique, ne trichent pas. Il apparaît indéniable qu’ils travaillent avec leurs tripes, probablement leur propre vécu et leur amour lucide et authentique de l’Autre.

Plus simplement aussi, Blondel, comme Izzo dans un autre registre, nous raconte des destins façonnés par les coups durs, les déceptions et les espoirs à travers des vies individuelles mais qui finissent par toucher à l’universel.

La notion étroitement liée du destin et du hasard qui relient les cheminements personnels est à l’origine de romans ou de films qui comptent. En son temps, le cinéaste polonais Kieslowski a su la mettre en scène dans ses films.

A cet effet, le style Blondel, déjà entr’aperçu dans son premier roman, reste proche d’une écriture cinématographique et on attend avec impatience le réalisateur qui voudra bien s’y coltiner.

 

    En passant avec brio l’écueil de la seconde fois, Jean-Philippe Blondel confirme, et c’est tant mieux, son talent d’observateur du genre humain et sa capacité à le mettre en scène dans une histoire gigogne, preuve d’une imagination absolument pas prise en défaut. La magie continue ainsi à opérer et fait renaître la même attente du prochain ouvrage.

 

Patrick