roman

Franck Ruzé - 666

Éditions Scali - 162p, 12€

[3.0]

 

 

Premier abord, premières méfiances. Ce livre a tout de l'objet branché, "hype", capable de contenter le lecteur des "Inrotechnichronikarmagic !" comme les adeptes de name-dropping à la Frédéric Beigbeder. Que ce soit dans sa structure narrative comme dans son sujet à la fois casse-gueule et archi-rebattu, le second livre de Franck Ruzé (0 %) s'affirme d'emblée comme un potentiel objet culte, un pur produit pop-art de consommation rapide, jetable et éphémère. Donc indispensable.

Et 666 est exactement ça. Mais un peu plus encore…

 

Pour résumer succinctement, ce sont les portraits de jeunes adultes contemporains. L'un est une rock-star adulée, alternant concerts furibards et tournées cocaïnées, prostituées de luxe et groupies prêtes à se damner pour une nuit avec lui. L'autre est une jeune femme souffrant de multiples troubles (anorexie, dépression, manque d'amour) qui passe son existence dorée à la gâcher dans de multiples transgressions psychologiques.

Plus que cette trame, souvent étudiée dans les écrits de Bret Easton Ellis, c'est surtout le rythme trépidant et saccadé de ce roman qui en fait sa force.

 

La première partie, surtout, est presque un long monologue, un seul bloc de phrases sur plus de 92 pages ; une frénésie de mots, de sensations, de situations plus ou moins fortes, qui ressemble à un long vomi narratif, un déversoir de toutes les expériences que vivent les protagonistes en mal de "trash". La jeunesse dorée, vaine et extravertie, qui masque sa grande solitude dans un trop-plein de débauche et de sensations. "Bouffe la vie avant qu'elle ne t'avale" semble être le credo du héros, à la fois personnage cynique et tragique, qui narre de manière épileptique sa vie trépidante mais terriblement vide et sans intérêt.

 

La seconde partie, plus convenue, oscille entre catalogue de clichés sur le mal-être des adolescentes du 21ème siècle, et belles idées d'écriture : parfois, un mot est suivie d'une * qui renvoie à un supposé "bas de page". Mais celui-ci devient en fait une grande parenthèse de trois pages, comme si le mot amenait un autre sujet qui parasite la pensée principale de l'héroïne. Pour le reste, succession de pensées banales sur l'amour, la solitude, l'individu et sa place dans la société... Bof.

 

Franck Ruzé offre avec son 666 un portrait acide et nerveux de la jeunesse branchée, un manifeste post-moderne d’un monde désenchanté, un cousin français au Moins que Zéro d’Easton Ellis. Malgré quelques défauts inhérents à son sujet pas follement original, c’est plutôt la forme, speedée et confuse, rendant bien compte de la superficialité et de la vacuité de ses personnages, qui emporte l’adhésion.

 

Jean-François Lahorgue

 

Date de parution 17/8/2006

 

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Franck Ruzé - 0%

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