roman

Nathalie Quintane - Antonia Bellivetti  

Editions POL - 158 p, 14€ - 2004

 

 

 

     Antonia Bellivetti a 13 ans. Elle vit avec sa sœur Boulimi à Parcelles, dans la banlieue parisienne. Ses préoccupations sont celles d’une adolescente : quelle rime trouver pour achever le poème débile demandé par Madame ? Quand arrivent les vacances ? Que fait Luc, le frère de sa copine Isabelle, dans les caves de la Cité Michel-Foucault ? Est-ce que le fait de réunir huit cents bouchons permet vraiment à des enfants de partir à la mer ? Comment rassurer une copine qui se découvre lesbienne ?

 

    Apparemment, après huit livres défiant les classifications, Nathalie Quintane a bel et bien écrit un roman. "Comme chaque dimanche matin, ainsi que chaque samedi matin, chaque mercredi matin, Antonia Bellivetti s’était levée vers onze heures. Enfin plutôt onze heures trente. Disons 11 :45." Le ton est donné dès la première phrase : ce "roman" ne ressemblera à aucun autre. Nathalie Quintane se joue des formes éprouvées du  roman pour la jeunesse en les décapant comme le regard qu’elle porte sur notre monde. L’univers de "Buffalo Budget", le jeu vidéo auquel s’entraîne l’héroïne a la même réalité que celui qui l’entoure. Le seul moyen de retrouver un moment « la mémoire qu’il avaient d’eux-mêmes à cinq ans, six ans, quand les journées étaient sans horloge, toujours longues, toujours prêtes à plusieurs vies" est de caillasser des voitures depuis un pont. La maturité s’affirme à travers le choix de la marque de ses chaussures de sport  et les conversations trouvent leurs répliques dans les bribes du Loft et autres Buffy contre les vampires. Classer les endroits où on s’ennuie le plus, marcher en faisant des détours, attendre l’explosion "du dernier poisson pané surgelé du dernier des congélateurs"… Un séjour à la Souterraine, village de la Creuse, ne que souligner le point commun entre la banlieue et la petite province : "ce sentiment qu’on ne pouvait pas en sortir". Les discours des délégués syndicaux ou les récitations altermondialistes de la copine se noient dans les sigles ou les marques qui sont les seules balises. "Le bleu des Bounty, le rouge du Coca, le jaune des Corona, le vert des Kro, le brun des brunes et les pastilles multicolores des M&M’s. Elle se demanda de quelle couleur avait bien pu être le monde avant."

 

   La vision proposée par Nathalie Quintane refuse la complaisance de la noirceur comme celle de la nostalgie moralisatrice. A grands coups d’humour féroce – on rit très souvent à la lecture de ces pages jubilatoires – elle tient à distance les banalités sociologisantes qui font l’ordinaire du roman. L’ironique empathie dont elle ne se départit jamais parvient à dire notre monde avec une enivrante acuité.

 

JC

 

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Les premières pages du roman 

L’année de l’Algérie, un autre texte écrit par Nathalie Quintane cette année est lisible intégralement