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                            Comment faire avec une toiture délabrée, un âge certain, un genou qui
                            lâche, un compte en banque à découvert et une
                            riche bibliothèque ? Demander conseil à des
                            auteurs éclairés. Après tout, ils sont là pour
                            leur imagination ! 
                            Alice est une septuagénaire attachante, charmante
                            et pétillante. Face à son problème de toit qui
                            fuit, elle décide de se tourner vers ses auteurs
                            qui vivent à ses côtés dans sa petite maison,
                            intervenant de ci, de là, posant une assiette de
                            fromage sur la table avant de réprimander la dame
                            qui ne cesse de s'aplatir, "Tolstoï fronçait
                            les sourcils et arpentait le seuil de la cheminée
                            comme si c'était la steppe russe, les mains croisées
                            dans le dos" ou "Avec James, il est
                            prudent de ne pas insister. Nos relations étaient
                            un peu tendues depuis quelques jours". 
                             
                            Dominique Schneidre convie dans son histoire
                            des écrivains illustres, depuis Kipling,
                            Shakespeare, Henry James, Edith Wharton ou Lewis
                            Carroll et leur donne la parole dans un étrange
                            mais assez jouissif échange avec l'héroïne Alice.
                            Une invraisemblable relation s'est établie dans ce
                            foyer, une folie douce mais réconfortante, très
                            stable aux yeux des milliers de lecteurs qui se
                            reconnaîtront en Alice, "Abandonner mes livres
                            si longtemps me déstabilisait. Il en est ainsi à
                            chaque visite de Basile. Il prend toute la place.
                            (...) Mon lien avec les livres se distend et je me
                            mets à vivre comme s'ils n'étaient plus qu'un décor,
                            je leur bats froid et donne aux gens la première
                            place. Quand je suis seule, tout est plus
                            facile." 
                            Les allusions ne manquent pas "les livres sont
                            des bouées de sauvetage que seule ma grand-mère
                            avait su me faire laisser sur le sable" et ne
                            peuvent laisser insensibles, "Alice, vous qui
                            vivez dans les livres, vous ne voudriez pas trouver
                            quelque chose de beau à lire à la messe ?". 
                            "Je ne sais pas si c'était une bonne façon d'équilibrer
                            les relations avec Tolstoï... Soyons franche, quand
                            je suis gaie, je n'ai pas envie d'avoir à m'en
                            justifier auprès de lui. Léon Daudet, Lewis
                            Carroll, Thomas Bernhard, Tchekhov ou Proust, voilà
                            de bons compagnons ! Peut-être Mark Twain, à qui
                            je n'avais pas fait signe depuis longtemps..." 
                             
                            Lancé par une ouverture primesautière, le roman
                            poursuit son chemin vers des sentiers plus
                            nostalgiques, vers l'enfance, le fils Basile et les
                            amours perdues. Le problème du toit demeure en
                            filigrane, leitmotiv des digressions d'Alice, mais
                            les tête-à-tête avec les auteurs sont les plus intrigants,
                            les dialogues, les interventions judicieuses et
                            savantes, bref on ne demande que ça ! 
                            Délicieuse balade parmi les livres, aux côtés des
                            écrivains qui nous hantent et des êtres de papier
                            qui sont les compagnons fidèles des grands
                            lecteurs, "Ce qu'en dit James" est un
                            roman original et tendre, drôle et spirituel, truffé
                            d'une érudition qui n'écrase pas mais vous
                            transporte... Ce roman se déguste ! "Buvons à
                            notre imagination plutôt qu'à nos souvenirs." 
                              
                            Stéphanie
                            Verlingue 
                              
                            Date de
                            parution : février 2007 
                              
                             
                             
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