roman

Guy Darol - Frank Zappa ou l’Amérique en déshabillé     

Le Castor Astral éditeur – 2003

 

 

 

    La disparition, il y a dix ans, du compositeur américain Frank Zappa né en 1940, est marquée par la publication de dossiers spéciaux : Jazz Magazine, Recording Musicien et particulièrement du DVD Baby Snakes. Ce DVD comprend trois heures de musique et diverses bizarreries visuelles. La dimension musicale de Frank Zappa a par ailleurs été traitée, à travers de nombreuses biographies françaises et anglo-saxonnes. Peu d’auteurs ont, en revanche, abordé la question politique qui traverse toute l’œuvre de ce musicien admiré autant par Matt Groening que Salman Rushdie. Cette question de l’engagement est cependant cruciale, lorsque l’on sait que Zappa fut l’un des premiers à dénoncer la violence policière contre les émeutiers d’un quartier Noir de Los Angeles, en 1965. L’album Freak Out ! (1966) souligne cette prise de position en même temps qu’un numéro de l’Internationale Situationniste, tandis qu’’il était jugé anodin par le reste du monde.


    Guy Darol a dirigé la revue Dérive, dont l’intitulé n’est pas qu’un clin d’œil à la cause situationniste. Il a aussi collaboré à Libération puis au Magazine Littéraire. Il est auteur de romans, de nouvelles, de prose poétique. Il s’est fait une spécialité dans l’attention qu’il porte aux « singuliers » de la littérature : Joseph Delteil, André Hardellet, Luc Dietrich, Stanislas Rodanski … une dizaine d’ouvrage en carte de visite, quand il s’attaque à la biographie de Zappa, qu’il adule.  A ce jour, Guy Darol a publié trois ouvrages (parus au Castor Astral) sur le guitar hero.

 

    Dans son dernier ouvrage, il souligne les liens entre l’univers de ce compositeur influencé par Varèse, Stravinski, Spike Jones et la culture Dada. Il expose aussi avec beaucoup de clarté et d’érudition la filière bruitiste dont résulte l’œuvre de cet an-artiste. Mais Frank Zappa ou l’Amérique en déshabillé est surtout le portrait d’un musicien comparé à King Kong (l’un de ses morceaux se nomme ainsi), animal traqué par l’industrie discographique, les ligues de vertu, les télévangélistes.

 

    Dans un style virulent, qui semble apprécier les phrases piquantes d’un Léon Bloy, Guy Darol expose les combats de ce libertaire méconnu contre « l’hydre » Amérique.  Il y montre par ailleurs la solitude d’un militant face aux apôtres de la censure. Il rappelle que Zappa a tenu tête aux partisans des stickers « Explicit Lyrics », autocollants apposés sur les albums et vidéos afin de signaler aux acheteurs que certains produits peuvent être néfastes. Darol raconte comment il fut approché en 1988 par les Libertariens pour courir les Présidentielles. Il narre comment il envisagea de se présenter à la candidature pour les élections de 1992 mais fut fauché dans son élan par un cancer de la prostate. Etc etc. On en passe et d’aussi intéressantes.

        

    Ce livre assez somptueux par la finesse de l’écriture et la qualité des recherches,  démontre au-delà de la vie de Zappa, que finalement que l’Amérique ne parle pas à l’unisson. On y connaissait le travail critique de Noam Chomsky, et plus récemment celui de Michael Moore. Voici désormais révélé le militantisme d’un Frank Zappa, réputé guitariste et loufoque. Il est temps de redécouvrir ce redoutable activiste. Et de se faire une idée personnelle sur un courant de pensée affleurant des eaux américaines si unies en apparence et dans certains discours.

 

Jezebel Boy