roman

Louise de Vilmorin - L’Alphabet des aveux 

Éditions Gallimard/coll. Le promeneur - 2004

 

 

    

    De Louise de Vilmorin, certains savent qu’elle fut la fiancée de Saint-Exupéry et la maîtresse de Malraux, d’autres qu’elle a écrit quelques romans dont Madame de, peu connaissent sa poésie. « Le Promeneur » en publiant ce recueil permet de réparer cet oubli. Illustré par Jean Hugo, publié en 1954, cet ouvrage n’avait, en effet, jamais été réédité. En 1970, un an après la mort de Louise de Vilmorin, Malraux fit éditer Poèmes, en « Poésie/Gallimard », mais ce titre est , lui aussi, épuisé.

 

    Dès la dédicace à Gaston Gallimard le ton est donné : « Je méditerai. / Tu m’éditeras. » Louise de Vilmorin joue avec l’alphabet et les allitérations. Jeu parfois virtuose. Ainsi, le poème qui donne son titre au recueil est composé de lettres que l’on doit épeler : « G AC ZE FET / LEBZIR / LRULDT » : « J’ai assez aidé et fêté / et les baisers d’hier / et les ruelles d’été. » Seule licence, le “E” se prononce ici “é”. Plus loin l’homophonie est à l’honneur : « Autant descendre / Maîtresse / Au temps des cendres. / Mais tresse,.. » Ce procédé, les vers holorimes, cher à Alphonse Allais, connaît des déclinaisons lorsque l’homophonie est régie par un jeu sur le genre ou le pronom personnel, dans la dédicace ou encore ici : « Un amant cela ment. / Une amante se lamente. » Ailleurs il s’agit de « Rébus » reposant sur le seul changement de voyelles, de “charades” sur le langage des fleurs, de calligrammes, etc.

 

    Si certains de ces jeux sont inventifs, il n’en reste pas moins à la lecture une impression mitigée. Bien souvent, le classicisme de Louise de Vilmorin, grande admiratrice du XVIIème siècle et de Madame de La Fayette, lui nuit et nous ennuie. Les Calligrammes d’Apollinaire sont bien plus novateurs que ceux qui nous sont proposés ici. Ces vers réguliers ne sont calligrammes que par l’artifice du dessin de Jean Hugo. Certains des poèmes sont proches du plus mauvais Aragon, celui du retour aux formes classiques. Il ne suffit pas d’écrire en alexandrins, en décasyllabes ou en octosyllabes pour faire de la poésie. Et surtout, même lorsque l’on cherche à se mouler dans des formes classiques, il ne me semble pas que l’on puisse le faire comme si le vers dans les années 1950 était toujours le vers de Hugo, Victor celui-là.

 

    Là, le fat bête désavoue L’Alphabet des aveux. Réserve plutôt que désaveu. La contrainte donne à certains poèmes une légèreté, une vivacité, une inventivité, qui dans les autres font cruellement défaut. Apprécier les « Douze palindromes », certaines des « Fantaisies », s’en délecter même, bien sûr ! Mais, lorsque les seules contraintes sont le mètre et la strophe, je reste sur ma faim. On me dira que le poème n’est pas que forme, contrainte, mais qu’il est aussi métaphores, sentiments, etc. Admettons. Mais, quoiqu’il en soit, ici, seule la contrainte permet à Louise de Vilmorin de dépasser un certain maniérisme, une certaine préciosité.

 

Une dernière citation, pour la bonne bouche : « Ré si do / Ré si la / Fa do / La mi la mi / Si mi ré fa ré » « Récit d’eau / Récit las / Fado / L’âme, île amie, / S’y mire effarée. »

 

Dominique Fagnot

Date de parution 25 novembre 2004