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                            Il est bien
                            difficile de parler de ce livre, de son histoire et
                            de la résumer. C'est emmêlé, fils et intrigues
                            forment une tresse, et c'est un casse-tête
                            d'entreprendre de les désentortiller ! 
                            On pourrait donc dire que l'histoire commence par
                            l'arrivée d'une lettre postée de Roumanie, envoyée
                            à Copenhague et adressée à une certaine Elena.
                            C'est le narrateur qui la réceptionne, et il
                            s'interroge. Car Elena est la deuxième femme qu'a
                            épousé son beau-père, quelques années après son
                            divorce avec la mère de celui-ci. Mais Elena aussi
                            est partie et a quitté Scott en lui laissant un
                            simple mot, sans explications.
                             
                             
                            Désormais retourné dans son pays natal, Scott vit
                            seul avec ses fantômes et son passé embrumé. La
                            lettre de Roumanie est une invitation à plonger
                            dans le temps et les souvenirs. N'étant pas
                            prolixe, l'homme raconte cette partie de son
                            existence qui a conduit le photographe à faire un
                            reportage à Bucarest. Il avait une quarantaine
                            d'années, il ne pensait pas tomber amoureux de
                            cette jeune fille de vingt-deux ans, Elena. 
                            Même s'il se doutait qu'elle ne l'aimait pas, il
                            lui a proposé le mariage pour fuir le pays de
                            Ceausescu. 
                             
                            On pourrait presque décomposer le roman, tant le
                            narrateur est le rapporteur de deux histoires assez
                            distinctes et que seule une lettre sert de trait
                            d'union. Troublant, donc. Mais captivant ! 
                            JC Grondahl écrit à un moment : "Raconter
                            n'est pas seulement conserver des souvenirs, mais
                            aussi en éliminer." Et c'est justement ce qui
                            fait la marque de l'écrivain danois. C'est un mélancolique,
                            un puriste de la nostalgie et du temps passé. Son
                            style est lent, élégant et cultive les mystères.
                            Sa mise en scène semble parfois empesée, mais
                            jamais bien longtemps (ici, il faut donc dépasser
                            les 30 premières pages). Ses personnages ont peu de
                            relief, peu de charisme, pourtant leurs histoires
                            nous captivent. "Il n'est pas ici question
                            d'une histoire sensationnelle. C'est juste une de
                            ces histoires qui, vues de l'extérieur, semblent
                            parfaitement banales, la manière dont se façonne
                            une vie. (...) Une histoire tout à fait ordinaire,
                            avec ses pas et ses passages lents ou brusques, avec
                            ses lacunes, ses creux et ses vides obscurs et
                            inconnus qui la font avancer ou déraper."
                             
                             
                            "Piazza Bucarest" est un roman admirable,
                            incroyablement bien écrit, et qui vous parle donc
                            de la vie d'hommes et de femmes qui se sont croisés,
                            un peu aimés, jamais compris, puis quittés sans
                            chercher à retenir, conservant des plaies béantes.
                            Remarquable, oui.
                             
                              
                            Stéphanie
                            Verlingue 
                              
                            Date de
                            parution : 25 janvier 2007 
                              
                             
                             
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