roman

JC Grondahl - Piazza Bucarest

Éditions Gallimard - 180p, 17.50€

[4.0]

 

 

Il est bien difficile de parler de ce livre, de son histoire et de la résumer. C'est emmêlé, fils et intrigues forment une tresse, et c'est un casse-tête d'entreprendre de les désentortiller !
On pourrait donc dire que l'histoire commence par l'arrivée d'une lettre postée de Roumanie, envoyée à Copenhague et adressée à une certaine Elena. C'est le narrateur qui la réceptionne, et il s'interroge. Car Elena est la deuxième femme qu'a épousé son beau-père, quelques années après son divorce avec la mère de celui-ci. Mais Elena aussi est partie et a quitté Scott en lui laissant un simple mot, sans explications.


Désormais retourné dans son pays natal, Scott vit seul avec ses fantômes et son passé embrumé. La lettre de Roumanie est une invitation à plonger dans le temps et les souvenirs. N'étant pas prolixe, l'homme raconte cette partie de son existence qui a conduit le photographe à faire un reportage à Bucarest. Il avait une quarantaine d'années, il ne pensait pas tomber amoureux de cette jeune fille de vingt-deux ans, Elena.
Même s'il se doutait qu'elle ne l'aimait pas, il lui a proposé le mariage pour fuir le pays de Ceausescu.


On pourrait presque décomposer le roman, tant le narrateur est le rapporteur de deux histoires assez distinctes et que seule une lettre sert de trait d'union. Troublant, donc. Mais captivant !
JC Grondahl écrit à un moment : "Raconter n'est pas seulement conserver des souvenirs, mais aussi en éliminer." Et c'est justement ce qui fait la marque de l'écrivain danois. C'est un mélancolique, un puriste de la nostalgie et du temps passé. Son style est lent, élégant et cultive les mystères. Sa mise en scène semble parfois empesée, mais jamais bien longtemps (ici, il faut donc dépasser les 30 premières pages). Ses personnages ont peu de relief, peu de charisme, pourtant leurs histoires nous captivent. "Il n'est pas ici question d'une histoire sensationnelle. C'est juste une de ces histoires qui, vues de l'extérieur, semblent parfaitement banales, la manière dont se façonne une vie. (...) Une histoire tout à fait ordinaire, avec ses pas et ses passages lents ou brusques, avec ses lacunes, ses creux et ses vides obscurs et inconnus qui la font avancer ou déraper."


"Piazza Bucarest" est un roman admirable, incroyablement bien écrit, et qui vous parle donc de la vie d'hommes et de femmes qui se sont croisés, un peu aimés, jamais compris, puis quittés sans chercher à retenir, conservant des plaies béantes. Remarquable, oui.

 

Stéphanie Verlingue

 

Date de parution : 25 janvier 2007