roman

Tobias Wolff - Portrait de classe

Éditions Plon - 210p, 19.50€

[4.0]

 

    

     En ouvrant Portrait de classe, on plonge instantanément dans l'ambiance décalée d'un pensionnat ultra-chic de la Nouvelle Angleterre, début des années 60. Au bout de la plume, le narrateur, en sixième année d'étude en cet automne 1960, livre une histoire introspective, sur cette année particulière. Alors étudiant boursier, un parmi tous ces étudiants arrogants, cordiaux, cultivant la nonchalance calculée, chérissant la littérature et l'écriture, au point d'organiser des concours pour rencontrer des auteurs. Or, ces concours exacerbent certaines passions, brouillent l'esprit de création, reléguée après l'esprit de compétition, de secrets, de combines, de non-dits, etc. 

    On aimerait penser à un ersatz du Cercle des poètes disparus, ces jeunes soumis au code de l'Honneur, confinés à réussir, travailler, étudier, être le meilleur. Mais dans Portrait de classe, ce groupuscule d'étudiants imbus d'eux-mêmes vivent au grand jour cette ivresse pour la création littéraire. Au fil de l'année, les auteurs interviennent : le poète Robert Frost, la sulfureuse et féministe Ayn Rand, et l'éminent Hemingway. A chaque fois, le narrateur affûte sa plume, aspirant à obtenir l'honneur suprême d'être l'Elu, choisi parmi tous. Ils tâtent ainsi de la muse, tombent dans la spirale de la folie, de l'insomnie, de la page blanche... bref l'esprit de création combiné à celui de compétition ne fait pas bon ménage ! 

 

    Portrait de classe, en plus de dessiner une ambiance, une éthique et des déviances, n'hésite pas à absorber le lecteur dans cet univers de création et du goût de l'écriture. L'auteur sait choisir ses mots, soigne son style, sa ponctuation, boudant le principe de signifier un dialogue parmi la narration, brouillant volontairement les pistes. Tobias Wolff a de la classe ! Son roman, malgré les trois derniers chapitres, certes nécessaires pour la rigueur de l'histoire, mais moins intéressants dans la continuité, est un livre lumineux, pétri d'intelligence, porté par un narrateur très peu humble mais bourré d'auto-suffisance, de vanité et d'orgueil. Un livre qui démontre les processus de création, la morgue estudiantine et l'inaptitude de se remettre en question. A lire, tout simplement !!!! 

 

Stéphanie Verlingue

 

Date de parution : février 2005

 

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