roman

John Muir - Quinze cents kilomètres à pied à travers l'Amérique profonde

Éditions José Corti - 176p, 17€

[4.5]

 

 

« On nous dit que les plantes sont des créatures périssables, dépourvues d’âme, et que seul l’homme est immortel, etc…, mais c’est là un sujet, je pense, dont nous ne savons presque rien. Quoi qu’il en soit, ce palmier là était impressionnant au-delà des mots, et il m’a dit des choses plus importantes que
je n’en ai jamais entendu d’un prêtre de l’espèce humaine»


Bon voilà pour le factuel John Muir est le grand-père des écologistes américains inventeur des parcs naturels, sans lui entre autre plus de séquoias géants (vous voyez le Séquoia vertigineux de Hitch), un grand naturaliste herboriste promeneur, un grand bonhomme tout court, et aussi un écrivain, et oui un écrivain ! On le classera par commodité dans la case écrivains voyageurs. Là où Nicolas Bouvier descend l’inde en topolino poussive lui descend les Etats Unis ... à pied … Merveilleux voyage : des prairies au bayou poussant jusqu'à Cuba au milieu des décombres d’une guerre de sécession fini depuis peu. Voyage périlleux ; il faut faire avec les hommes, des bandits sudistes crasseux défroqués, de fort peu aimables esclaves échappés, il faut faire avec la nature, avec les animaux, il y a des pages très drôles sur le droit de l’alligator et sur l’antipathie discriminatoire qui le poursuit inlassablement « Honorables représentants des grands sauriens.. Puissiez-vous profiter longtemps de vos joncs, de vos nénuphars, et vous offrir de temps en temps une bonne bouchée d’homme terrorisé en guise de friandise ! »
Si Muir est un grand naturaliste qui note et classifie tout ce qui est à sa portée de semelles, c’est aussi un grand panthéiste (derrière un vieux fond chrétien) du petit Spinoza à goût hindou dans la grande tradition anglo-saxonne, moins barbu que Whitman (barbu quand même) moins emberlificoté que John Cowper Powys … mais il y a de ça, une vision cosmique qui englobe l’univers (mais avec modestie) où dieu est dans tout les êtres, les éléments, la nature, les objets… Il y a une conscience dans l’apparemment inanimé, il faut d’ailleurs étendre les droits du vivant à l’inanimé !
Les dernières pages, sa découverte de la Californie, des montagnes de la Sierra Nevada sont d’une lumière et d’une douceur inestimable …

 

D’ailleurs j’ai toujours pensé cela moi aussi, je le penserais toujours et quand je ne serais plus rien, poussière ou cendres, - atomes de cendres disséminées au vent – quand je ne spéculerais plus rien depuis longtemps je ne serais plus que ça : un élément de la nature et rien que ça, je le suis déjà :« On ne peut pas se sentir à l’écart : montagnes, plaine et ciel irradient la beauté que l’on ressent. On baigne dans ce rayonnement spirituel ; on s’y tourne en tous sens comme lorsqu’on se réchauffe à un feu de camp. On perd bientôt la conscience d’exister de façon autonome, on se fond dans le paysage et on devient une partie, un élément de la nature… »

 

Philippe Louche

 

Date de parution 5 octobre 2006

 

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