roman

Aki Shimazaki - Tsubaki, Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa    

Actes Sud

 

 

 

    Pour ma première chronique littéraire sur le Benzine, j'ai choisi de mettre en avant mon coup de cœur de ces derniers mois : Aki Shimazaki.

 

    Aki Shimazaki est une japonaise qui vit à Montréal et qui compte à son actif quatre romans écrits en français, depuis Tsubaki en 1999 jusqu'à Wasurenagusa sorti en mai 2003.

Dès le premier abord, ce qui touche chez Shimazaki, c'est son style. Pas un mot de trop, des phrases simples, un sens de l'épure qui sonne juste. Une écriture décantée qui permet à ses récits remplis d'émotions de ne jamais sombrer dans le pathos. On pense souvent, même si l'univers est très différent, au style dépouillé d'Agota Krystof, autre écrivain exilée écrivant en français bien qu'il ne ne s'agisse pas de sa langue maternelle (le hongrois dans son cas).

 

    Ensuite, la manière qu'à l'auteur de marier les histoires familiales tragiques avec la grande Histoire nous séduit. Qu'il s'agisse du bombardement de Nagasaki au plutonium, du grand tremblement de terre de Tôkyô en 1923, de l'occupation japonaise de la Mandchourie… l'auteur porte un jugement sans complaisance sur les évènements, mettant parallèlement en scène des personnages parfois veules mais souvent courageux, se débattant tant bien que mal dans un monde difficile. Au passage, on apprend beaucoup de choses, comme par exemple le massacre de milliers de coréens dans la confusion qui a directement suivi le tremblement de terre de Tôkyô. Jamais cet aspect didactique ne vient gêner le récit.

 

    Enfin, ce sont de nombreux éléments de la vie japonaise qu'on découvre à travers les personnages : vie quotidienne, mariages arrangés, racisme anti-coréen… tous ces éléments qui rendent difficile la possibilité de devenir réellement soi-même et qui donnent une grande tension aux récits.

Au centre du récit, on trouve le plus souvent un personnage féminin qui porte, tel un fardeau, un secret incommunicable, par amour, pour préserver les apparences ou un être cher.

D'un roman à l'autre, on retrouve les mêmes personnages, tel personnage secondaire d'un roman devenant le personnage central d'un autre roman, tel événement périphérique d'un récit devenant le cœur d'un autre. Les narrateurs changent, le centre et le sujet des récits de même.

 

    Petite remarque d'ordre pratique : même si les romans peuvent être lus indépendamment et dans n'importe quel ordre, il me semble quand même conseillé de les lire dans leur ordre de parution. Le plus important restant toutefois que, pour l'instant (car rien ne dit que l'auteur ne va pas ajouter de nouveaux récits à sa trame générale), ces quatre courts romans forment un ensemble d'une intensité magnifique riche d'une très grande émotion.

On espère la suite avec impatience.

 

Fred