roman

Olivier Rohé - Défaut d'origine    

Editions Allia - 2003

 

 

 

 

 

 

 

    Un peu plus de 150 pages sans chapitre, sans paragraphes comme une sorte de long jet continu : voici la forme le premier récit de Oliver Rohé, journaliste de 30 ans à Chronic’Art. A quoi, pour qualifier le style, il faut rajouter une succession de phrases plutôt longues, fonctionnant sur le système du marabout  bout de ficelles. Car ici nous avons affaire à une réflexion continue, qui marche beaucoup par des associations d’idées. Réflexion menée par Selber, lors d’un voyage en avion qui le ramène vers son pays d’origine quitté il y a bien longtemps et vers Roman, son ami, son double. Roman, prénom sans doute pas fortuit, à la double prononciation possible, soit slave, ce qui placerait le pays en question vers l’Europe Centrale, soit française, qualifiant peut-être ce texte.

 

    Selber nous livre ses pensées bien noires en un flux ininterrompu où se mêle de plus en plus le souvenir de Roman. Il y est question du refus de la patrie, de la guerre, des relations castratrices entre mère et fils, de l’enfermement et de la maladie. Règne derrière cette noirceur avouée l’idée même de l’oubli, de la fuite identitaire et par-dessus tout la dilution et la dépersonnalisation de l’individu. Une fuite qui passe par l’identification empathique aux objets, aux amis et enfin à la langue étrangère, ici le français. L’idée maîtresse devient donc la nécessité de se défaire de tout ce qui a trait à ses propres origines : sa famille, sa langue maternelle et son pays. Une sorte de mémoire vécue comme un poids et un obstacle à avancer, mémoire à évacuer coûte que coûte. Le titre Défaut d’origine revêt une double signification : origine au sens des racines, de la naissance puis au sens de l’original, puisque le propos même du livre a déjà servi de support à Thomas Bernhard pour son livre L’Origne. Boucle bouclée dans une vertigineuse mise en abyme.

 

    Au fur et à mesure, les parcours de Selber et Roman ne semblent plus faire qu’un, avec l’emploi du « je » et du « il » qui sèment le trouble chez le lecteur.

Ce n’est pas un livre trop facile, qui mérite une lecture attentive. Cependant le style très écrit qui regorge d’adverbes, de répétitions n’est aucunement un obstacle pour pénétrer dans le cerveau de Selber et l’accompagner dans ses pensées nostalgiques, noires et désillusionnées. 

 

Patrick

 

 

Editions Allia

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