roman

Béatrice Wilmos - La dernière sonate de l'hiver

Éditions Flammarion - 332p, 18€

[4.0]

 

 

Parce que le narrateur est prié de rédiger une courte biographie sur le pianiste russe, Vladimir Solianovsky, il découvre avec fascination son interprétation fantasque et pleine de fougue de Scriabine. La figure souriante et qui cache le désespoir de cet homme poursuit le narrateur qui décide de fouiller le passé, de partir à la pêche aux souvenirs, en rassemblant les morceaux d'un puzzle qui vont le conduire en Allemagne, sur les traces d'un violoniste, Ivo Vaganov, russe également, et d'une jeune femme allemande, Maria Ködenitz.

La première moitié du roman s'attache à débusquer les traces de Solianovsky, lesquelles vont se perdre en traînées de poussière dans l'autre moitié de cette histoire. A force de rencontres, de cahiers retrouvés miraculeusement, de lettres cachées et jamais envoyées, le narrateur obsédé par ce jeu d'ombres parvient à redessiner l'histoire des deux musiciens russes et d'une romance à Berlin, en plein coeur de l'hiver 1943, sous la crainte des bombardements et de l'écho lointain de la bataille de Leningrad.

C'est un chant mélancolique que nous conte Béatrice Wilmos dont "La dernière sonate de l'hiver" est le premier roman. C'est une histoire bouleversante, habitée par des spectres, des héros désespérés qui préfèrent mourir pour une "simple romance" plutôt que pour "rien". Après tout, comme souligne l'un des personnages, "nous n'avons été que des musiciens", livrés au chaos, à la folie et au massacre. Tout n'est que fureur et hécatombe, à travers les destins brisés des russes et des allemands, comme le témoigne la bouleversante confession de Maria, prise au piège de ses fantômes, désemparée par le poids de la responsabilité du secret qu'elle porte. D'abord nébuleuse, l'histoire de ces héros tragiques se peaufine, s'étoffe et prend de l'ampleur, à tel point que "j'ai eu l'illusion qu'ils étaient vivants". Les zones d'ombre demeurent, mais les grandes lignes ont été tracées : "quand la lumière est trop vive, les ombres sont plus épaisses". Vraiment une sonate qui va résonner pour un petit bout de temps dans ma tête...

 

Stéphanie Verlingue

 

Date de parution : janvier 2007