roman

Luiz Ruffato - Des gens heureux

Éditions Métailié -  168p. 17 €

[4.0]

 

 

On ne peut pas vraiment dire que les personnages du dernier roman de Luiz Ruffato soient heureux. Ils font tout pour l’être, par contre. Et y arrivent, parfois.

Dans cette contrée misérable au fin fond du Brésil, ce Minas Gerais où des immigrés italiens ont cru construire un Eden à la fin du 19ème siècle, se déroulent de sombres histoires de familles, d’anciennes lignées d’hommes d’une terre qui ne produit plus. Les gens se croisent, se lient et se défont, au gré d’aventures passionnelles et sombres.

 

Des gens heureux est le premier volet d’une trilogie se déroulant dans le Brésil ouvrier et agricole des années 1950 et qui s’intitulerait « Enfer provisoire ». Et en effet, il est ici question de violence, inceste, trahison, mort : Ruffato ne fait pas dans la dentelle, et ne nous épargne rien. Pour accentuer son propos, l’auteur n’hésite pas à multiplier les effets de style : monologue en italique, dialogues en gras, écriture hachée, diatribes à plusieurs voix, flashs-backs inclus dans les monologues, différenciés par une autre police de caractère. Il ose tout, quitte à dérouter le lecteur dans ce fleuve bouillonnant de mots fiévreux, d’images délirantes, de passions exacerbées. C’est un véritable chaos écrit, à l’image des héros du livre, perdus dans ces tranches de vies dont ils sont victimes ou bourreaux.

 

Tout cela aurait pu être d’un profond pessimisme, mais Des gens heureux  n’est jamais emphatique, ou défaitiste : derrière chaque histoire misérable ou sordide se cache cet infime espoir que chacun peut s’en sortir et accéder à son idéal rêvé. Même si pour cela, il faut de son passé faire table rase, accepter parfois l’inacceptable, se battre contre ses démons, et croire, espérer, s’imaginer ailleurs, loin…

 

On sort de cette lecture secoué, étourdi : l’écriture tourmentée et radicale de Luiz Ruffato peut certes rebuter dès les premières pages ; mais si l’on se laisse porter par cette prose dynamique, enfiévrée et extrêmement originale, ce court roman devient un fascinant catalogue d’âmes blessées, de gens meurtris qui tentent de devenir ce qu’ils ne seront probablement jamais…à moins que leur enfer ne soit que provisoire. Sous la merde, le bonheur ?

 

Jean-François Lahorgue

 

Date de parution : 8 mars 2007

 

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