roman

Piergiorgio di Cara   - île noire    

Editions Metailié - 2003

 

 

 

    J'ai l'impression de bien la connaître Lipanusa, cette île italienne près de la Sicile, j'ai vraiment eu l'impression d'y être, d' entendre parler les vieux avec leur accent et leurs expressions typiques, d'admirer les paysages sous la pluie omniprésente. On se sent plongé dans l'ambiance de l'Italie profonde, terre de traditions et de croyances parfois irrationnelles comme ces mystérieux mugissements de moutons, présages de mauvais augure. Mention spéciale pour le traducteur qui a pris grand soin de restituer le plus fidèlement possible la saveur des parlers siciliens. Il laisse d'ailleurs souvent des passages en dialecte qu'il traduit juste après. Ainsi, on s'imprègne encore mieux des différents personnages.

 

    C'est là justement une des grandes qualités du roman de Di Cara : il nous rend familier un lieu qui n'existe pas, il décrit magistralement la beauté désenchantée de cet endroit à la mauvaise saison. L'isolement, la solitude, la mélancolie de cette île sont exaltés avec force. Si je commence par parler du lieu, c'est qu'il me semble être au centre du roman au même titre que le personnage central, Salvo. L'intrigue paraîtrait presque secondaire, elle ne se met d'ailleurs vraiment en place qu'au milieu du roman.

 

    Salvo, policier de la Brigade anticriminelle de Palerme vient d'échapper à la mort et se retrouve seul, à l'hôpital, un trou dans la poitrine. Une bande de mafiosi a tenté de l'assassiner. Mario, son meilleur ami, qui assure des gardes au dispensaire de Lipanusa lui propose de l'accompagner sur l'île afin de se reposer. Dans cette île perdue, coincée au bout de nulle part, Salvo réfléchit, traîne, il ne sait plus trop où il en est de sa vie sentimentale comme professionnelle. S'il arrive à contenir son envie de fumer, son penchant pour la Ceres est trop fort et puis, quoi faire d'autre que boire quand on se sent seul et que le seul endroit animé est chez Fedele au pub. Le temps semble s'écouler dans une langueur monotone jusqu'à ce que Toni, un baroudeur violent et grande gueule soit retrouvé mort chez lui ; les carabiniers concluent à un accident domestique mais Salvo n'y croit pas et décide de mener son enquête, bien qu'il ne soit à Lipanusa qu'en qualité de touriste convalescent.

 

    C'est de son point de vue, c'est à travers son oeil que toute l'histoire nous est contée. Eh quel bon choix de narration car il y a une véritable symbiose entre Salvo, le flic sentimental et brutal, poète au parler cru et l'île de Lipanusa. Certaines expressions sont dignes d'Audiard. Les répliques de Salvo, comme celles du grand dialoguiste, font mouche à tous les coups. A ce propos, une adaptation cinématographique est en cours.

 

    On se sent d'autant plus proche de Salvo que l'on suit l'histoire depuis sa tête, ses pensées les plus intimes, ses impressions nous sont livrées dans un style laconique avec de courtes phrases qui donnent de la dynamique au récit.

Piergiorgio Di Cara signe donc un premier roman prometteur, sombre, âpre et beau comme l'île qu'il dépeint.


Marie-Noëlle