roman

Hanif Kureishi - La lune en plein jour     1/2

Collection 10/18 N° 3421 - 2003

 

 

 

    Jeune auteur en vogue en Angleterre, connu pour ses participations à l’écriture des scénarii de films de Stephen Frears (My beautiful laundrette et Sammy et Rosie s’envoient en l’air), Hanif Kureishi dépeint toujours avec beaucoup d’ironie et de tendresse les agissements et déboires de ses pairs anglais.

Dans ce recueil de dix nouvelles, nous suivons des jeunes gens souvent désabusés, qui se situent vers la trentaine ou quarantaine, en proie à des questionnements existentiels sur leur propre avenir amoureux ou professionnel.

 

    C’est par exemple le cas de Rob (Comme des étrangers) qui organise un week-end d’escapade avec sa maîtresse Florence, laquelle vient accompagnée de son mari. Situation vaudevillesque en diable qui conduit à des moments fort drôles. Mais Kureishi n’est pas Feydeau et il y a ici bien plus de finesse et de profondeur dans l’étude de ses personnages attachants et fragiles. Sur lesquels le temps a passé et laissé bien des cicatrices, ainsi Nick (En ce temps-là) ancien musicien aujourd’hui producteur bien rangé qui renoue avec Natacha, une ancienne petite amie restée un peu en marge. La légèreté des premières nouvelles fait bientôt place à plus de gravité et de nostalgie. L’auteur dans Fille de sa mère évoque l’épineux problème des mariages mixtes, ici entre un indien et une anglaise, lors d’une visite de présentation à la mère de la jeune fille, durant laquelle chacun reste sur des positions fermes, sans concessions, sans réelle volonté de comprendre l’autre. Vision cruelle de relations à nouveau exploitée dans Des cailloux à sucer, où Marcia professeur rêve de devenir écrivain et sollicite l’aide d’une auteur connue, condescendante et juste curieuse de son expérience de prof en vue de l’écriture d’un prochain roman. Dans Enfin on se rencontre, c’est la confrontation singulière entre un mari et l’amant de sa femme, drôle de relation triangulaire pour laquelle les deux hommes n’ont pas les mêmes motivations et ne semblent pas voir la même femme.

 

    Il est donc beaucoup question de séparations, d’incompréhensions entre des êtres humains un temps unis, même amoureux que l’usure du temps a fini par éloigner et rendre hostiles.

Des histoires bien sûr vieilles comme le monde, que Kureishi actualise, modernise les plaçant principalement dans cette Angleterre des années Tchatcher, exsangue et essorée, désabusée en tout. Heureusement, il sait aussi leur insuffler pas mal d’humour et de distanciation ce qui nous sauve d’une lecture trop éplorée. On y sent notamment son goût avéré pour la musique, la pop en tout premier lieu, qui traverse souvent ces dix récits désenchantés et tragi-comiques.

 

Patrick