roman

Erri De Luca - Le contraire de un     

Gallimard – 2003

 

 

 

    Ce livre d’Erri De Luca, écrivain italien contemporain, comporte 18 nouvelles, et démarre par un poème en vers dédié à sa mère, Mamm’Emilia, et indirectement à toutes les mères (« parce qu’être deux commence par elles »). Et ces nouvelles évoquent des thèmes aussi universels que la solitude, l’engagement politique, la foi, la rencontre amoureuse… à travers des histoires faussement banales, et à travers elles, cherchent à mettre en exergue ce qui peut unir les hommes et leur permettre ainsi d’échapper à la solitude. Mais évidemment, la solidarité humaine ne fonctionne pas à tous les coups, parce qu’elle peut aussi se refuser, et on a dans ce livre l’illustration que les hommes savent tout aussi bien s’aimer que se déchirer… « Deux n'est pas le double mais le contraire de un, de sa solitude. Deux est alliance, fil double qui n'est pas cassé. »

 

    Son livre parle donc d’engagement politique (avec des personnages jeunes, vifs, arrogants, porteurs d’utopies intenses et révolutionnaires, parfois maladroites mais toujours sincères, qui les poussaient à vouloir changer de monde…) – de montagne (très belle métaphore qui permet de comprendre que les hommes peuvent être encordés les uns aux autres, à des distances et à des plans différents, tout en restant fondamentalement seuls…) – de rencontre amoureuse (belle « coïncidence » entre un homme et une femme)… Multiples thèmes qui pourtant se rejoignent. Comme Erri de Luca qui est lui-même multiple (ayant été justement lui-même tour à tour révolutionnaire d’extrème-gauche, ouvrier, militant humanitaire, bibliste, écrivain, alpiniste…), mais pourtant, toujours aussi engagé dans ce qu’il fait. Ouvert, mais sans concessions inutiles. Curieux mais avant tout fidèle à ce qu’il a été. Exigeant et sans complaisance envers lui-même.

 

    Ce livre lui ressemble, et frappe par le côté cohérent et structuré qui s’en dégage. Entre le personnel (on devine bien que les nouvelles sont la plupart autobiographiques) et l’universel (elles parlent pourtant à tout le monde !), entre les urgences qui obligent à courir, et les pauses salutaires qui obligent à réfléchir, à ne plus fuir. Le jeu de la vie est personnel mais toujours aussi collectif. Cérébral, mais aussi sensoriel, charnel, sensuel. Fil fragile de la vie qui oblige l’homme à faire face à sa solitude et à choisir, aussi, à être avec l’autre, les autres.

 

    Erri de Luca a une écriture fine, limpide, économe, précise, affûtée. Un style qui correspond parfaitement à l’économie même de la nouvelle, qui aime aller à l’essentiel. Et qui lui permet, en même temps, de mettre en avant, avec des mots simples et d’autant plus percutants, toute la palette des sentiments qui animent les hommes.

 

En bref, voici un livre courageux et sincère, qui fait œuvre de résistance. Salutaire par les temps actuels.

 

Cathie