roman

Hanif Kureishi - Le corps    

Christian Bourgois - 2003

 

 

 

    On attend toujours impatiemment le dernier opus de Kureishi, auteur indo-anglais de livres qui ont souvent inspiré le cinéma (My beautiful Laundrette, Intimité...). Et on est rarement déçu. Notamment de part le style, épuré, clinique, banalement ordinaire et pourtant capable, à l’instar d’un Raymond Carver, de rendre attachants les personnages les plus improbables.

    Dans ce nouveau livre de nouvelles, dont la première, assez longue, aurait pu faire office d’un roman à lui tout seul, Kureishi présente quelques personnages qui flirtent avec la schizophrénie. Dont un certain Adam, dans la première nouvelle, qui pourrait être un double de Kureishi lui-même (romancier et londonien comme lui).Cet Adam, écrivain reconnu et heureux en ménage mais néanmoins quelque peu usé par la vie, décide de faire transplanter son cerveau dans un nouveau corps tout neuf, celui d’un jeune homosexuel narcissique récemment suicidé ; un peu comme George Orwell dans 1984, et sous couvert d’une histoire proche de la science fiction, Kureishi parle de problèmes universels (le culte de la jeunesse et de l’apparence, la recherche de l’immortalité...), particulièrement d’actualité en ce début de siècle.

    Ses personnages, avec leurs failles, leurs doutes, leurs lâchetés parfois, sont souvent décalés et inadaptés à la férocité de la vie urbaine. Et certaines anecdotes banales font ressortir sans détour la vérité, souvent cruelle, de leurs vies, de leurs choix, de leurs mensonges, de leurs regrets...

 

    Kureishi est férocement lucide, et particulièrement doué pour détecter les faux-semblants, et montrer sans complaisance l’envers du décor ; tout cela avec un regard distancié, mais néanmoins bienveillant, dans le sens surtout où il ne juge pas, où il se contente de montrer des faits, des gens, paradoxalement ordinaires et étranges pour certains, et qui nous semblent si familiers pourtant. Tout cela avec un style élégant assorti d’un humour d’autant plus percutant qu’il est lui aussi distancié.

Cathie