roman

Annie Saumont - Nabigora  1/2

Joëlle Losfeld - 2004

 

 

   

    « Ce que doit être la nouvelle, après en avoir publié plus d'une centaine, je ne le sais toujours pas. Mais je sais qu’écrire une nouvelle est un travail long et difficile. Comme celui du peintre ou du romancier ? Bien sûr. Avec toutefois cette particularité que la brièveté du texte final, son évidence, sa simplicité ne conservent aucun souvenir des essais, brouillons, reprises et corrections successives. Le travail du nouvelliste c'est aussi d'effacer toute trace de son travail ».

 

    Ainsi parle Annie Saumont de son travail. Elle est devenue une des plus importantes nouvellistes de la littérature nationale et a obtenu en 2003 le Prix de la Nouvelle de l’Académie Française pour Un soir, à la maison.

Son dernier ouvrage publié dans la jolie collection Arcanes chez Joëlle Losfeld est divisé en deux grandes nouvelles : Nabigora et Le Trou.

Dans Nabigora, premier mot d’une incantation, c’est la vie de Cathie soudain isolée et démunie suite au décès (accidentel ?) d’Annette sa sœur jumelle tombée d’un mur. Un mur que Cathie s’approprie, défend bec et ongles contre l’invasion d’Elsa ou Petitbout le petit frère. En quelques scènes de la vie quotidienne d’une petite fille : école, jeux et scoutisme, Annie Saumont montre comment la perte d’un être cher et le deuil bouleversent la vie d’une famille.

Le Trou, dans la seconde nouvelle, est l’élément symbolique qui relie les deux histoires évoquées dont les dernières pages nous révéleront ce qui les unit. Entre les jeux de quatre garçons participant à un concours de sable sur une plage et l’attirance d’un soldat lointain, quelque part dans l’Extrême-Orient, pour une jeune femme cachée au fond d’un abri, quelles relations ou quels liens ? N’en disons ici pas davantage sur l’histoire et reconnaissons avec l’auteur la prédominance de l’enfance, de ses moments forts et tragiques sur la difficulté à construire sa vie.

 

    Beaucoup de tendresse, de pouvoir de suggestion, dans ces deux nouvelles, renforcés par une écriture fluide et simple, dans laquelle la ponctuation et la syntaxe font de temps en temps relâche, insufflant au texte vivacité et pragmatisme. L’auteur de C’est rien ça va passer sait parfaitement présenter ses personnages en quelques traits significatifs les rendant de suite uniques et identifiables. Le style est plus allusif que descriptif ; la porte est laissée largement ouverte à l’imaginaire du lecteur. C’est aussi la force et la singularité de la nouvelle bien sûr.

Totalement engagée auprès de ses personnages souvent démunis ou blessés, Annie Saumont offre une littérature du réel montré sans fard et mérité largement son titre de grande dame de la « nouvelle » nouvelle française.

 

Patrick