roman

Hubert Haddad - Le nouveau magasin D’écriture

Éditions zulma - 938p, 30€

[4.0]

 

 

La littérature comme un jeu, mais sans cette connotation ludique qui fait les beaux jours de la société infantile. Le nouveau magasin d’écriture d’Hubert Haddad a l’apparence protéiforme d’un vaste parc, chantier vivant multiple et fourmillant où les pièges, les allées secrètes, les mystères et les gouffres transformeraient en enfants passionnés des lecteurs pourtant doués de toutes leurs facultés de raisonnement propres (à l’âge adulte). Sans destination fixe (ses confrères écrivains ? Les passionnés de lecture ? Les curieux inattentifs ?), il nous laisse pénétrer, sans guide sur-soulignant, à l’intérieur de la boîte crânienne de la fiction, la sienne d’abord – explicite ou implicite -, celle qui surtout préside à tout acte de création littéraire. Bible de l’écrivain, somme d’une vie de travail, le Nouveau Magasin d’Ecriture s’annonce déjà comme le point culminant d’une œuvre pourtant large d’une cinquantaine de livres, et loin d’être close. La richesse la plus évidente se niche ici dans sa faculté sidérante à réunir, en son seul corps matériel, la somme quasi infinie de centaines de milliers de livres potentiels, dans tous les genres du monde. Ou, variation possible : une malle aux trésors au fond de laquelle écrivains en panne comme promeneurs soucieux d’un peu de savoir viendraient flâner en douce. L’ordre ne compte pas, seuls le hasard et l’instinct devront guider vos pas.

 

Précis d’étude des grands courants littéraires avec digressions savantes sur des moments précis (surréalisme, Borges, Sade, Kafka, Oulipo, etc.), le magasin déploie en effet la large panoplie des costumes qui, à travers l’histoire - mais pour un usage immédiat - ont fait de la littérature ce territoire si vaste que les arts émergeants pillèrent sans vergogne. La liste est longue, qui du roman épistolaire au conte fantastique fouille aussi bien la matière théâtrale que la nouvelle collective ou, inévitable dans le cas Haddad, les ateliers d’écriture. Ce qui d’un abord rébarbatif pourrait décourager le lecteur (inquiet d’avoir sous la main un gros manuel théorique) s’avère vite trompeur : c’est bien l’idée de jeu qui prédomine, avec ses qualités singulières de surprise et de renouvellement constant, fonctionnant sur le mode ingénieux de courts chapitres et d’innombrables portes ouvertes sur l’imaginaire, comme cette liste de « cent titres pour mille et une fictions » ou ces haïkus d’enfants. Bref : une littérature de l’imaginaire,  libre d’accès pour tous.

 

Ce livre pourtant n’épuise rien du mystère de la création. Il y aurait une coupable naïveté à croire qu’un décorticage savant et minutieux de la littérature offrirait une vue privilégiée sur l’envers du décor des plus grandes œuvres de l’histoire de l’humanité. Ni réflectivité biographique, ni horlogerie minutieuse et duplicable n’ont jamais pu avoir prise sur l’origine de toute littérature, irrémédiablement réfractaire aux tentatives d’explication, fussent-elles scientifiquement fouillées. C’est donc l’esprit libre et ouvert qu’on se rendra au grand bazar d’Hubert Haddad, certains d’y jouir d’une multitude d’angles de vues autour du mystère sondé mais intouchable de la création littéraire, promenade excitante et légère, un point c’est tout.    

 

Christophe Malléjac

 

Date de publication : 19 janvier 2006 

 

Plus+

www.zulma.fr