roman

Régis Jauffret - Promenade 

Editions verticales - 2001

 

 

                                                

      Découvert en 1985 avec son premier opus Seule au milieu d’elle (éditions Denoël), Régis Jauffret, écrivain singulier à l’univers noir et clos, au style très personnel poursuit depuis son chemin exigeant et signe en 2001 avec Promenade son neuvième ouvrage.

 

    Cet auteur né à Marseille en 1955 dans une famille bourgeoise a eu très vite envie de quitter ce milieu protecteur, peu riche en ouvertures. D’abord tourné vers le monde des idées, il suit à Aix en Provence des études de philosophie. Monté à Paris en 1977, il travaille comme rédacteur de dramatiques radiophoniques pour France Inter, puis se tourne vers l’écriture au milieu des années 80. En 1998, il rencontre Bernard Wallet, fondateur des éditions Verticales qui deviendra son pygmalion et lui permettra d’accéder à plus de reconnaissance et d’audience. Cependant son cinquième roman Histoire d’amour paru la même année ne fait pas l’unanimité et il est perçu à cette époque comme un des écrivains les plus glauques de son époque.

J’ai connu Jauffret en lisant Fragments de la vie des gens (Folio 3584), soit une cinquantaine de courts récits mettant en scène la vie de gens très ordinaires, qui annoncent celle de l’héroîne de Promenade.

 

    A travers ce dernier ouvrage, nous suivons la trajectoire d’une femme anonyme, car jamais nommée autrement que par le pronom elle, faite de solitude, d’un mal être indéniable qui ne la maintient en paix nulle part, la pousse à quitter sans cesse son foyer ou ses différents lieux d’accueil pour partir en promenade.

Jauffret crée un climat fait d’impalpable, d’étrangeté appuyé par l’emploi systématique de l’imparfait et surtout du conditionnel, qui le fait échafauder en quelques lignes des destins pour elle ou les autres, destins de solitude, de dépressions et de suicides aussi. Il y a là un vrai talent à nous entraîner dans des sortes de vertiges, de spirales qui tirent irrémédiablement vers le bas. Elle, jamais sereine, voulant toujours être là où elle n’est pas, erre sans fin dans la ville jamais nommée non plus, même si nous pouvons facilement penser qu’il s’agit de Paris (présence de grandes avenues et de métro), à la recherche de contacts furtifs, d’amours dérisoires qui ne la laissent jamais en paix.

Régis Jauffret dépeint comme peu d’auteurs contemporains la dépression et le désir de ne plus vivre sans pourtant avoir recours à la mort volontaire. Mais le livre ne tire pas vers la sociologie ou l’explication psychique ; on sent poindre ici parfois des pointes d’humour distancié et noir.

 

    Cet auteur demande un effort de la part de son lecteur à accepter de le suivre dans ses délires fictionnels bâtis en quelques lignes ou pages, très empreints de solitude, tristesse et mal de vivre.

Il n’y a pas de sadisme ou de voyeurisme à suivre cette anonyme en errance permanente car il faudrait ici manquer cruellement d’imagination ou surtout de sensibilité pour ne pas se reconnaître des points communs avec elle, et donc ses propres pas.

 

Patrick