roman

Annie Ernaux - Une femme

Éditions folio- 105p, 4.60€

[4.0]

 

 

    Après avoir écrit sur la mort de son père dans La place, Annie Ernaux récidive avec la perte de sa mère - Une femme

Parler de la femme de son imaginaire, mais aussi la femme réelle, celle qui a existé en dehors d'elle, mettre en mots le portrait d'une femme, comme pour "mettre au monde sa mère". Dessiner le parcours de celle-ci, son enfance en Normandie, son milieu modeste, ouvrier, la volonté de s'élever, d'être commerçante, indispensable pour les autres, mais être au-dessus. Pousser sa fille à faire des études, à réussir, à s'en sortir et basculer dans le monde bourgeois, d'où vicieusement la mère se sentira exclue, flouée, déçue, etc... 

    Le portrait qu'Annie Ernaux fait de sa mère est écrit au plus juste, sans tendance lacrymale, contrairement à Une place qui m'avait davantage touchée. Une femme est aussi tendre et attendrissant, toutefois la maladie de la mère laisse une traînée presque amère. Cette femme forte et lumineuse devenue démente... dit-elle. Dans un autre livre (Je ne suis pas sortie de ma nuit) l'auteur s'étend plus à ce sujet. Il y a cependant de très beaux passages sur cette maman, quittée la veille devant Jacques Martin pour apprendre sa mort le lendemain à dix heures. La honte, la colère, le ras-le-bol, la culpabilité... c'est une petite fille qui parle aujourd'hui, qui se sent seule et abandonnée, orpheline. Aussi ce livre est une très belle déclaration d'amour, pleine de délicatesse et d'acuité. "Il fallait que ma mère, née dans un milieu dominé, dont elle a voulu sortir, devienne histoire pour que je me sente moins seule et factice dans le monde dominant des mots et des idées où, selon son désir, je suis passée". Juste monnaie de la pièce... 

 

Date de première parution : 1989 chez Gallimard

 

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