BD

Arai - Ki-itchi !!    

Delcourt/Akata - 2003

 

 
 

    Les éditions Delcourt continuent leur volonté de défricher de nouveaux horizons dans le paysage du manga traduit en français. Ki-itchi se veut être un manga totalement original et atypique dans la production actuelle. Prenant pour héros un enfant de 3 ans, au comportement très particulier, l’auteur nous décrit d’une manière à la fois distancée et ironique la société japonaise à travers la vision qu’en a ce petit être. Centrant son oeuvre principalement sur l’éducation parentale et le système scolaire dans le premier volume, l’auteur s’ouvre à de nouveaux problèmes de sociétés en abordant le cas des sans-abri  dans le second tome.

 

    En ce qui concerne le style graphique, il apparaît très personnel. Le dessin ne se veut absolument pas un modèle d’esthétisme pur, de beauté parfaite, lisse et sans saveur, mais se trouve parfaitement adapté à l’histoire. Développant une esthétique très particulière, l’auteur arrive parfaitement à faire passer les émotions ou les sentiments du héros, dans un style qui se détache assez sensiblement du style habituel.

 

    Si la narration, parfois un peu brouillonne au début, pourrait en rebuter certains, le sujet s’avère, notamment de par son coté insolite, tout à fait passionnant. On suit avec un plaisir de plus en plus grand les pérégrinations de cet enfant vraiment étrange, qui au-delà de son apparente stupidité semble être un miroir du « monde des adultes ». Il met en relief la difficulté d’inculquer des normes, des valeurs, des repères, et donc, par delà, constitue une véritable réflexion sur le mode d’existence de chacun dans son rapport à autrui.

 

    Prendre pour héros un enfant de 3 ans, qui ne parle presque pas, mais qui est très turbulent, frappant sans cesse ses camarades, provoquant ainsi le malheur récurrent de sa mère qui doit sans cesse s’excuser, apparaît être une démarche assez osée. Mais tout cela fonctionne parfaitement, et on se laisse très rapidement prendre par l’histoire. Prenant d’ailleurs un tournant très brusque dans le second volume, Ki-itchi s’attache alors à la découverte de la marginalité sociale et économique à travers les sans-abri. Ou comment, après s’être amusé à nous présenter les institutions scolaires et parentales sous un angle originale et critique, l’œuvre semble prendre pour fil directeur l’exploration de tous les recoins de la société japonaise actuelle.

 

    A travers une atmosphère parfois quelque peu surréaliste, pleine de cynisme, d’humour et d’ironie, Ki-itchi est une excellente découverte, et laisse augurer, si la suite est du même calibre que ces deux premiers volumes, d’une série véritablement excellente.

 

Vincent