BD

Fumiyo Kouno - Le Pays des Cerisiers

kana - 101p, 10€ 

[4.0]

 

 

Parmi les sujets brûlants traités par les ouvrages d’origine japonaise, les bombardements successifs de Nagasaki et Hiroshima à la fin de la Seconde Guerre Mondiale sont parmi les plus nombreux, et parmi les plus intéressants. En effet, comme le Vietnam pour les Américains, c’est un traumatisme commun et générationnel, imprimé dans la mémoire collective du pays et de ses habitants, qui a suivi ce terrible épisode de l’Histoire de l’île.

 

Ce  pays des cerisiers fait donc partie de la somme de documents ayant ce sujet pour thème, mais il s’en démarque par l’atmosphère et l’ambiance douces et légères qui émanent de ces délicates pages. Kouno narre deux histoires : l’une se passe dix années après le drame, en 1955, et évoque le traumatisme toujours vif qui empêche une jeune fille de vivre pleinement son existence. Une grande partie de sa famille a disparu lors du drame, elle en garde de telles séquelles qu’il lui est impossible d’avoir une vie sociale normale. Elle évoque cela en une terrible phrase : « le monde où tu vis n’est pas ici ». L’autre histoire se déroule dans les années 2000, et dévoile une saga familiale en miniature où souvenirs, regrets et mémoire générationnelle se confondent avec une belle maestria.

 

En une centaine de pages, Fumiyo Kouno impose un talent de dessinatrice hors pair, capable, comme Jiro Taniguchi, de dire beaucoup de choses avec peu de dialogues et des dessins simples et enfantins, presque impressionnistes. Elle utilise à merveille les contrastes de noir et blanc pour suggérer des scènes actuelles et des flash-back de pensée. De plus, elle apporte un beau regard sur les rapports de famille, où les silences et les regards sont plus significatifs et importants que les paroles.

 

Mais c’est surtout son désir de ne pas « enterrer » le drame de Hiroshima et ses séquelles irréversibles, et de le signifier par ces histoires délicates mais aussi très sombres, qui fait la grande force de cet album. Pour que l’on n’oublie jamais l’horreur et les souffrances de ces épisodes historiques, et leurs marques indélébiles, tant physiques que morales, sur les hommes.

 

Jean-François Lahorgue 

 

Date de parution : 21/04/2006

 

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