BD

Koike & Kojima - Lone wolf and cub (t. 1,2 & 3) 

Génération comics - 2004

 

 

 

    Oeuvre culte dans son pays natal depuis sa publication dans les années 70, mais également aux Etats-Unis où la série a été très tôt publiée et remarquée, Lone Wolf and cub est assurément un monument du manga.

 

    Ogami Ittô est un samouraï sans maître errant sur les routes du Japon en poussant son fils dans un landau, suite à un complot dont sa famille a été la victime. Ancien exécuteur final du Shôgun (le chef militaire et réel du pays), chargé d’asséner le coup de grâce aux seigneurs féodaux condamnés, notamment pour trahison, il était ainsi l’un des principaux personnages du pouvoir, avant d’être lui-même accusé de comploter, et devant son fuir afin d’éviter le suicide normalement obligatoire. Il cherche dès lors à se venger et loue ses services pour de l’argent à quiconque le lui demande, exigeant seulement de connaître toutes les raisons poussant son commanditaire à vouloir faire assassiner quelqu’un.

 

    Le trait de Goseki Kojima est sans nul doute l’un des plus somptueux de la bande dessinée japonaise, non parce qu’il tendrait vers un esthétisme vain, mais parce qu’il fait preuve d’une maîtrise totale, d’une adaptation parfaite au scénario développé par Kazuo Koike. Brut, sombre, net et précis, le style du dessinateur épouse parfaitement la dureté intérieure des personnages, et fait montre d’un dynamisme tout à fait exceptionnel dans les phases de combats. Le dessin apparaît ainsi non seulement très rugueux, très mat, mais aussi parfaitement lisible, car dépouillé de toutes les choses non indispensable.

 

    Ces trois premiers volumes de Lone Wolf and Cub parus en français (la série en compte au total 28) nous donnent, d’une manière non linéaire, les éléments d’informations permettant de comprendre la situation du héros solitaire, et se composent de plusieurs chapitres où Ogami Ittô cherche et trouve le moyen d’assassiner les personnes pour lesquels il a été engagé, démontrant à chaque fois l’inventivité géniale du scénariste, et offrant une diversité grandement appréciable pour la lecture.

 

    Et si la série ne s’est pas encore pour le moment orientée totalement dans la quête vengeresse du héros, elle est toutefois parfaitement lancée. Les relations, étranges, atypiques, ambiguës, complexes, liant Ogami Ittô à son fils constituent déjà l’un des thèmes majeurs de l’œuvre, et sont traitées avec une subtilité rare. Le contraste est fort et étonnant entre un père samouraï qui n’hésite pas une seule seconde à tuer pour de l’argent, et un fils impassible et candide, mais qui joue un rôle primordial dans la résolution des contrats du héros.

 

    Mais le manga nous offre également une reconstitution précieuse de cette époque troublée du Japon, des luttes de pouvoirs qui y surgissent, de la vie quotidienne des japonais, et des relations féodo-vassaliques encore prédominantes, donnant ainsi un arrière plan extrêmement riche. L’adaptation et la traduction, malgré quelques partis pris étonnants, nous donnent toutes les clés pour saisir ce contexte social, culturel, et politique complexes.

 

    Et finalement, au travers de sa volonté de vengeance, Ogami Ittô développe une véritable quête éthique, puisant dans les sources même de la condition samouraï, et témoignant d’une époque troublée tant du point de vue politique qu’au point de vue des mœurs. En cela, Lone Wolf and Cub apparaît fondamentalement comme une œuvre incontournable, dont la puissance et la richesse restent encore en grande part en devenir dans sa publication française.

 

Vincent